L’Anarcho-Syndicaliste n° 237 – Septembre 2024
Dans cette édition
P1 : Les algorithmes attaquent
P3 : Les JO, prémisse de la surveillance de masse
P5 : Les élections sont passées, les jeux olympiques aussi
P8 : Pour un large rapport de force et l’alternative sociale contre le libéralisme
P9 : De l’art d’enfumer le peuple
P12 : Maltraitances judiciaires
P14 : Note de lecture
P16 : Moi aussi, (j’existe) !
P17 : Fuir, s’émanciper et construire différemment
Télécharger la publication : LAS-n°237.pdf
En résumé…
- Les algorithmes attaquent… : L’article critique la division croissante entre élites et populisme, le soutien financier de la France à l’Ukraine et Israël, et les réformes socialement destructrices élaborées par des cabinets de conseil.
- Les JO, prémisse de la surveillance de masse : Il dénonce l’utilisation de la surveillance algorithmique pendant les JO de 2024, une atteinte à la vie privée et un outil de contrôle social.
- Les élections sont passées, les jeux olympiques aussi… : L’article analyse l’inefficacité des promesses politiques post-élections et JO, dénonçant l’illusion de la hausse du pouvoir d’achat et la collaboration des partis politiques avec Macron.
- Pour un large rapport de force et l’alternative sociale contre le libéralisme : Critique la politique de Macron, son alliance avec l’extrême droite, et appelle à une résistance unie contre le libéralisme et pour une alternative sociale.
- De l’art d’enfumer le peuple… : L’article fustige les promesses non tenues des politiciens et l’illusion de justice sociale, citant Macron et la gestion des crises comme exemples de manipulations.
- Maltraitances judiciaires : Il déplore l’état du système judiciaire français, l’absence de ressources pour une justice équitable et les conséquences dramatiques pour les personnels judiciaires.
- Note de lecture : Au commencement était … Une nouvelle histoire de l’humanité : L’article présente le livre de Graeber et Wengrow, qui remet en question les récits traditionnels de l’histoire humaine, proposant une vision plus complexe et égalitaire des sociétés anciennes.
- Moi aussi, (j’existe) ! : Critique de la dynamique du mouvement MeToo, l’article met en garde contre les dérives possibles, comme les accusations mensongères et le manque de procédure légale.
- Fuir, s’émanciper et construire : Le titre semble incomplet, mais l’article traite de l’émancipation et de la résistance face à des structures oppressives.
N° 237 – Septembre 2024 – Le numéro : 2 €
Les algorithmes attaquent…
« Les démocraties occidentales sont minées par un mal qui va en s’aggravant. Ce mal met face à face deux grandes catégories idéologiques et mentales : l’élitisme et le populisme : les élites dénoncent une dérive du peuple vers la droite xénophobe et les peuples soupçonnent les élites de sombrer dans un « globalisme » délirant. Si le peuple et l’élite ne sont plus d’accord pour fonctionner ensemble, la notion de démocratie n’a plus de sens, on aboutit à une élite qui ne veut plus représenter le peuple et un peuple qui n’est plus représenté. Journalistes et politiques sont d’ailleurs, selon des sondages d’opinion, les deux professions les moins respectées dans la majorité des « démocraties occidentales ».
Ce petit passage du livre d’Emmanuel Todd, la défaite de l’Occident, définit bien la situation politique des pays occidentaux. Ce qui se passe en France, en Europe, aux États-Unis correspond à ce clivage : les élites gouvernent et ont un profond mépris pour le peuple qui se traduit par une stigmatisation, une diabolisation de tout ce qui représente le peuple.
Ainsi les partis politiques qui s’appuient sur les populations ouvrières, agricultrices, artisanes, sur ceux qui gagnent leur vie par un dur labeur sont majoritaires: le RN (Rassemblement National), LFI (La France Insoumise) et relativement pour le Nouveau Front de Gauche, ces deux partis politiques sont soutenus par une base ouvrière et donc vomis, rejetés comme des pestiférés, traités de tous les noms d’oiseaux.
— Je précise, pour que les choses soient claires, que je n’ai de lien ni avec l’un, ni avec l’autre de ces partis. Mon parti c’est le syndicalisme libre et indépendant de la Charte d’Amiens, fidèle à la devise « Le syndicalisme est révolutionnaire en soi ».
Si je considère que les démocraties bourgeoises sont un moindre mal, (et encore car la bourgeoisie, la petite, est en voie de disparition car la finance absorbe tout) c’est parce que je ne vois pas comment d’un coup de baguette magique, on pourrait basculer dans une société d’égalité, libre et fraternelle ; L’avènement d’une telle société demande un long, très long chemin et il faudra certainement beaucoup plus de temps qu’il ne m’en reste à vivre pour que cela arrive, et comme la nature a horreur du vide il y a danger.
Ce problème de la transition a été formulé pour la première fois par Rosa Luxembourg et repris par d’autres ensuite.
Ces deux partis sont honnis, traités de terroristes, d’extrême droite, d’extrême gauche, d’antisémites, d’islamophobes, de fous furieux … admettons, mais que sont ceux qui profèrent ces accusations ?
La haine des élites se déchaîne sur les d’antennes radios et télévisuelles. Le fait que près de 20 millions de Français votent pour eux, ne change rien, ils sont à proscrire. La « plèbe » ne doit pas gouverner.
L’élite a pourtant les mots de République, de Démocratie, de Démocratie Sociale, de Justice… à la bouche, mais en pratique, les politiques mises en œuvre sont des politiques d’asservissement des peuples pour leur plus grands profits.
Le versement par les pays occidentaux d’aides exceptionnelles de centaines de milliards à l’Ukraine et à Israël, en est un exemple. Ces versements sont faits sans véritables consultations du peuple ou de ses représentants et sans tenir compte des diverses condamnations, notamment contre Israël : condamnation de crimes contre l’humanité ; crimes de guerre et invasions génocidaires sur Gaza.
En France, l’élection présidentielle de 2022 s’est faite sans débats politiques de fonds, en occultant ces financements comme a été occultée la gestion de la crise COVID.
Le soutien à l’Ukraine et à Israël est justifié par des narratifs mensongers. Dans les deux cas, le processus qui a abouti à ces conflits est totalement occulté, nié. Ceux qui osent contester le récit officiel sont alors qualifiés d’antisémites ou d’inféodés au tyran Poutine alors qu’outre le nombre considérable de victimes civiles, hommes, femmes, enfants, ces conflits risquent de nous entraîner dans une guerre de très grande ampleur avec des frappes directes sur les pays occidentaux.
Pour illustrer mon propos, si quelqu’un insulte, méprise, bouscule une autre personne et qu’au bout d’un certain temps, cette personne bousculée, excédée se retourne et met une bonne gifle à son agresseur, suivant la logique énoncée plus haut, ce sera le second qui sera poursuivi et éventuellement condamné, la gifle sera considérée comme l’acte violent en soi. J’entends les hurlements, mais je maintiens: quand on occulte les circonstances, les antécédents comme c’est le cas pour ces conflits, on déforme la réalité et les causalités.
Et toujours délibérément pour condamner la victime, c’est-à-dire celui qui a giflé, c’est un principe général et il en est de même dans les procédures pénales.
Ce qui s’est passé suite aux dernières élections législatives est l’exemple du mépris des élites pour le peuple :
Le Président Macron repousse la désignation du Premier Ministre, s’arrogeant le pouvoir d’un monarque absolu. Il s’érige en décideur et, qu’on le veuille ou non, cela n’est pas démocratique.
Mais peut être le temps gagné permet-il aux cabinets conseils de préparer la liste des réformes à remettre au futur Premier Ministre pour qu’il les fasse passer par le projet d’orientation budgétaire.
Voir La Stratégie du Choc de Naomi Klein
Puis, après deux mois d’une guerre d’usure, Macron présente l’oiseau rare, un vieux de la vieille : Michel Barnier présenté comme un fin diplomate, homme d’ouverture, de consensus, un esprit agile et inventif et qui, de son air patelin, présente ce projet préparé par d’autres officines.
Cette volonté d’effacer la représentation du peuple n’est pas, comme le prétendent ces élites, pour protéger celui-ci de la peste rouge ou brune, mais pour protéger et accroître leurs revenus et dividendes, pour maintenir leur place au soleil et leur rente de situation. Pour ce faire, tout ce qui représente le peuple est à effacer. il en va de même pour les syndicats, cela s’est fait par la loi de 2008, sur la Représentativité, et la corruption qui y est attachée. Cela s’est fait aussi par l’étouffement des scandales financiers ou autres internes à ces organisations, scandales gardés bien au chaud par le pouvoir pour être ressortis le moment venu et bloquer toute velléité de résistance et de mouvement de contestation. De plus, cette loi de Représentativité verrouille le paysage syndical. La création de nouvelles confédérations, comme cela fut le cas pour SUD et l’UNSA, devient impossible car les règles imposées par la loi de Représentativité, freinent toutes initiatives de ce genre. Le syndicalisme officiel est figé.
Le vote du budget est la démonstration de la manipulation des citoyens par nos élites : il y a moins d’un an, on nous rabâchait que tout allait bien, que les comptes de l’État étaient bien tenus, que certes un accroissement des dépenses avait été nécessaire pour protéger les français des crises diverses et variées mais que les choses étaient bien en main, qu’il n’y avait pas de problèmes .
Mais suite aux dernières élections européennes et aux élections législatives où les français ont « mal » voté, la Commission Européenne menace le pays d’une procédure pour « déficit public excessif » et la Cour des Comptes produit un rapport mettant en avant de dépenses pharaoniques de Macron et un déficit abyssal du budget 2024 assorti de la nécessité impérieuse de combler ce déficit d’urgence pour éviter un sort équivalent à la Grèce, pour défaut de paiement.
Immédiatement tout le beau monde des vaincus, mais toujours aux manettes, y va sur les pistes possibles de recette, et, Hop ! :
- Augmentation des taxes pour le populo, comme toujours, tout en maintenant les aides financières pour les entreprises, y compris les entreprises du CAC 40, y compris celles qui ont versé d’énormes dividendes cette année.
- Mais et surtout, l’objectif sur les deux ans qui suivent, det liquider les systèmes de protection sociale :
- Passage de l’âge légal de la retraite à 66 ans,
- Augmentation du délai de carence maladie pour les fonctionnaires,
- Basculer tous les frais médicaux sur les assurances, les mutuelles, tout en réduisant les cotisations maladies transformées en un semblant d’augmentation de salaire.
- Liquider les caisses de retraites et fiscaliser l’assurance vieillesse,
- Toiletter le Code du Travail sur la durée du temps de travail, modifier la rémunération des heures supplémentaires,
- Alléger les règles contraignantes sur le licenciement,
- Revoir le régime d’assurance chômage et « stop à l’assistanat » (dixit)
Il convient, sur Michel Barnier, de rapporter un petit article du Canard Enchaîné :
« Le ministre des finances grec Yanis Varoufakis n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il évoque Michel Barnier (« Libé »,5/10) : Michel Barnier n’existe pas. C’est un algorithme : Nous l’avons vu pendant les négociations du Brexit, il n’avait pas la moindre idée originale. Il les conduisait comme un comptable algorithmique qui passait en revue une « check-list « donnée par Bruxelles (…) Aujourd’hui, on lui a donné une nouvelle check-list consistant à détruire ce qu’il reste du tissu social en France afin de faire semblant de respecter les règles ».
Un algorithme à Matignon ? Pas étonnant que même Macron ait du mal à le calculer.
Aujourd’hui, Michel Barnier a une nouvelle « check-list » consistant à détruire ce qu’il reste du tissu social en France, il n’y a plus qu’à lancer l’algorithme avec les ministres potiches.
Marc Hébert,
octobre 2024
Les JO, prémisse de la surveillance de masse
Pendant que les gens sont concentrés sur les jeux olympiques voulus par Macron, pour montrer à toute la planète la domination de son monde du profit avec son coté sécuritaire, le gouvernement met en place « une expérimentation » de la vidéo surveillance algorithmique appelée VSA, jusqu’en mars 2025 dans le cadre de la loi JO 2024 validée par l’assemblée nationale.
Ces caméras de vidéosurveillance sont couplées avec un logiciel de société privée utilisant une Intelligence Artificielle qui permet, grâce aux algorithmes, d’analyser en direct et automatiquement les mouvements de foule. Elle permet également d’isoler et de suivre un individu en particulier afin d’alerter les autorités sur des comportement qualifiés d’anormaux par la machine.
Cette vidéosurveillance permet de détecter le regroupement d’individus ou par exemple de personnes qui marchent à contresens du flux de la foule et qui sont, de fait, suspectées de préparer une action décrétée illégale par les autorités.
Ces logiciels sont si puissants qu’ils peuvent suivre un individu habillé de telle façon, portant telle couleur de vêtements etc. La même méthode est utilisée pour les véhicules.
En réalité, cette surveillance sous VSA est déjà utilisée en France depuis plusieurs années, lors de grands concerts, des évènements populaires sportifs ou festifs d’ampleur.
Pire certaines communes utilisent déjà de façon illégale cette VSA installée dans les villes, dans des gares, avec l’utilisation du logiciel « Brifecam » parfois avec l’option de reconnaissance faciale comme activée qui permet d’identifier une personne dans la rue et connaître son adresse, ses éventuelles antécédents judiciaires.
Le ministère de l’intérieur sous la direction de Darmanin a lui aussi utilisé ce logiciel de reconnaissance faciale qui est interdite en France pour faire condamner un manifestant masqué lors de la lutte contre les méga-bassines à ST Solline.
Cette nouvelle attaque sur nos droits, notre vie privée est très grave. Cette surveillance de masse est mise place pour surveiller la population en permanence afin qu’elle ne puisse pas se révolter contre le pouvoir en place, contre le système capitaliste. Les autorités l’ont déjà fait contre les Gilets-Jaunes avec l’utilisation de caméras de vidéosurveillance qui leur permettaient de verbaliser certains manifestants déterminés, sans même procéder à un contrôle d’identité pour les identifier.
La « Quadrature du net », « Amnesty international » s’inquiètent de cette dérive autoritaire. Même la « Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme » tire la sonnette d’alarme en déclarant qu’il faut que les pouvoirs publics rétablissent « l’équilibre rompu » … « entre les atteintes aux droits et libertés fondamentaux et la sauvegarde de l’ordre public ». Il en va de « notre choix de société ».
Avec cette VSA, la généralisation de la reconnaissance faciale, le développement du « crédit social » à la chinoise, la répression contre les militants, les opposants politiques ou tout contestataire, va être encore plus féroce.
Nous devons lutter de toute nos forces pour empêcher cette surveillance de masse.
Nous devons informer la population et mettre hors d’état de nuire le plus rapidement possible, ces caméras et ces systèmes de surveillance, qui vont à l’encontre de nos droits fondamentaux, de notre liberté d’expression, de notre droit de manifester, de notre droit d’aller et venir, de notre anonymat.
Septembre 2024,
Fred
Les élections sont passées,
les jeux olympiques aussi…
« Pensez y ce que vous voudrez » (Armel de Châteaugiron, début du XVième siècle)
Ainsi, l’austérité est une fois de plus au pouvoir par l’intermédiaire d’un ancien commissaire européen. Un cirque est passé, puis un deuxième et à l’orée de l’hiver, les travailleurs sont toujours aussi démunis.
Sans honte, repris par le journal Le Monde, le cabinet Oxford Economics affirme que le pouvoir d’achat des français a augmenté de 6,6% et il affirme que sans l’action du gouvernement, le pouvoir d’achat se serait effondré. Plus un mensonge est gros, plus il passe.
Si on regarde les séries longues de l’INSEE sur le pouvoir d’achat, et que l’on linéarise l’ensemble, c’est bien un écroulement du pouvoir d’achat que l’on observe depuis 1960.
À noter que le gouvernement préfère s’appuyer sur les études de ce cabinet pour établir sa stratégie — toujours la même : nourrir le capital qui est un goinfre — plutôt que sur les analyses de l’INSEE qui tôt ou tard se fera dégraisser car public (et indépendant) !
À noter encore que les objectifs d’Oxford Economics sont clairs : libérer l’économie (de tout contrôle par le peuple) pour permettre d’augmenter les marges des capitalistes…
Figure 1 Sources : accords d’entreprises 2024 (Legifrance), accords de branches (Banque de France – Légifrance),
chiffres provisoires en 2024, IPC (glissement annuel fin de trimestre, février pour le1er trimestre 2024) et Smic (Insee).
Auteur : Laurent Baudry, Erwan Gautier, Sylvie Tarrieu/ Banque de France, mars 2024)
Si on regarde ce tableau, on se dit : la situation s’améliore, les hausses de salaire négociées sont au-dessus de l’inflation, tout va bien. C’est le mensonge que l’on nous faire croire. Sauf que l’inflation ne baisse jamais, elle reste.
Le graphique 1 montre donc un écroulement des salaires des salariés bénéficiant d’accords salariaux. Si on ajoute ceux qui n’en bénéficient pas (les entreprises de moins de 50 salariés, les fonctionnaires dont le salaire est bloqué…), on a bien un écroulement du pouvoir d’achat…
Donc le gouvernement ment sur le pouvoir d’achat en s’appuyant sur des cabinets privés aux objectifs douteux, les médias relaient… et ça passe.
La question est pourquoi ? Pourquoi ça marche ?
En premier lieu, le gouvernement ment car le peuple est soumis. Ce n’est pas une nouveauté. Etienne de la Boétie nous dit au XVIe siècle :
« Il n’est pas croyable comme le peuple, dès lors qu’il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la franchise, qu’il n’est pas possible qu’il se réveille pour la ravoir, servant si franchement et tant volontiers qu’on dirait, à le voir, qu’il a non pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude. »
Donc non seulement, il s’asservit volontairement, mais en plus pour justifier cet asservissement volontaire pour plaire au pouvoir, et cela même si ce pouvoir le méprise, il devient hypocrite.
Amis lecteurs, ne vous est-il jamais arrivé de rencontrer dans votre vie cette forme de lâcheté qui consiste à justifier les excès du chef et cela même si la personne qui les justifie en est victime ?
Ne vous êtes-vous jamais senti seul face à des collègues, voire des camarades, qui trahissent pour manger la gamelle, ou même juste pour croire que la gamelle est bonne pour ceux qui n’en voient pas la couleur ? On appelle cela : le conformisme.
Pour finir sur ce premier point, on peut noter les analyses de Stanley Milgram qui montrent finalement que malgré le stress que cela procure, beaucoup de gens préfèrent lécher le cul de l’autorité même si elle est immonde pour obéir à une autorité. C’est pour cette raison que de réels insoumis (pas la Jeune Garde ou le POI) se font trahir et traîner dans la boue de manière dégueulasse.
En deuxième lieu, l’espace du pouvoir — politique et médiatique — est totalement intégré à la société du spectacle que nous décrit Guy Debord. Le spectacle est lié à l’accumulation du capital, son rôle est de le renforcer. Faire en sorte qu’il se goinfre…
Ainsi, des jeux olympiques avec discours sur l’unité sont organisés pour « être ensemble ». Chaque jour, les politiques organisent des débats clivants sur des sujets autres que l’exploitation (la répartition des richesses). On a le droit de porter le voile islamique ou pas, burkini ou pas, écriture inclusive ou pas…Tous ces débats sont animés par des politiciens qui votent tous les crédits de guerre et soutiennent tous le FMI, l’Union Européenne, l’Euro… Puis on a aussi Cyril Hanouna, les débats sur les économies circulaires, la gestion des poubelles.
Les élections ont montré toute l’étendue de la collaboration des forces politiques avec Macron. Mélenchon et le POI sauvent Macron par le Front Républicain, le RN lui donne un premier ministre aux ordres du Capital (dont la voix s’exprime à Bruxelles). Le RN reste le dernier chien de garde du système quand la gauche sert de paillasson ! Voilà la morale de cette histoire d’élection qui a coûté une blinde alors que les services publics hospitaliers sont à l’os. Rien à attendre des « bons éducateurs du peuple », des « réactionnaires repeint en vert, en brun ou en bleu (voire en rouge).
En troisième lieu, si la soumission et le spectacle ne suffisent pas, le pouvoir met en place des techniques de pouvoir que le philosophe Gilles Deleuze anticipait :
« Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […]. Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma. »
Le nouveau fascisme ne substitue pas à l’ancien fascisme, il s’ajoute. Si bien que voter Macron pour se prémunir du fascisme du RN est pour moi une ânerie qui doit bien faire rire notre classe politique cynique. On peut ici citer quelques-unes des techniques de pouvoir du nouveau fascisme : le pass-sanitaire, les élucubrations sur les réseaux sociaux des bons éducateurs du peuple, les QRCodes, les ZFE dans les villes….
Il y a pour les plus résistants des opposants les anciennes techniques fascistes : violence politique que les Gilets-Jaunes ont vécue, attaque ad hominem sur l’opposant avec procès en sorcellerie à la clé (la fiscalité est une étape, la sexualité est un must…) !
Le nouveau fascisme se rajoute à l’ancien, pour moi le régime macroniste cumule les deux approches et il est en cela un régime dangereux.
En quatrième lieu, il y a la nullité des organisations syndicales dont le rôle était d’organiser les hausses de salaires de manière indépendante des partis politiques et qui, à part organiser des processions sans rapport, sans objectifs, voire sans revendications, de débiter de la « moraline », de faire de l’incantation…
Aujourd’hui, on a deux lignes syndicales qui cohabitent : intégration au spectacle politique et collaboration de classe. Elles sont nulles et complémentaires. Nous ne pouvons que souhaiter un grand mouvement social par ou en-dehors des organisations syndicales. Ce sont les lignes de la CGT et de FO, c’est finalement une grande victoire de la CFDT que de voir l’ensemble des organisations sur ses lignes.
Pour conclure, le mensonge marche parce que les gens sont soumis, parce que des faux débats, alimentés sans cesse, pullulent, parce que le contrôle social renforce cette soumission, parce que les réfractaires sont brutalisés et mis au ban de la société et parce que les syndicats censés s’opposer au mensonge ne le font pas… Pour s’opposer au mensonge, il ne faut pas être nourri, y compris spirituellement, par les pourvoyeurs de mensonge. Pour s’opposer au mensonge, la lutte des classes, la lutte économique qui unient tous les travailleurs et pas les saupoudrages, les débats spectaculaires, et j’en passe…. Vive le syndicalisme libre, indépendant !
Vive aussi les gens libres et indépendants, vive les Gilets-Jaunes !
Septembre 2024,
Samuel
Pour un large rapport de force
et l’alternative sociale
contre le libéralisme
« Un coup d’État permanent » comme disait l’autre…
Donc tu provoques la dissolution de l’Assemblée, tu te prends une baffe… Normalement, le Président de la République applique l’article 8 de la Constitution :
« Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions. »
Donc, il « nomme » , il ne choisit pas.
Ce qui signifie qu’il applique le résultat des élections et nomme un membre du parti arrivé en tête des élections. La jurisprudence est constante : Mitterrand ainsi avait nommé Balladur, Chirac avait nommé Jospin…
Mais cette fois le bouffon du capital fait semblant de croire que la Constitution a écrit : « le président de la République choisit… »… Alors il refuse d’appliquer la jurisprudence qui l’oblige à nommer la représentante du Nouveau Front Populaire arrivé en tête des élections avec 193 députés. Il finit par choisir un canasson de la politique, surnommé le «crétin des Alpes » et membre d’un parti à la ramasse avec 47 députés. Si l’on y ajoute les macronistes, ils sont 146…Rien.
C’est dans ce cas de figure, le Rassemblement National qui a dicté ses conditions pour le «crétin » en question en assurant qu’il ne le censurerait pas…
Première leçon : l’alliance est directe, incontestable entre le Rassemblement National et les macronistes. Il est vrai que l’extrême droite libérale à la Reagan, Thatcher, Macron est du même tonneau que l’extrême droite tout court : l’exemple italien actuellement le démontre…
En fait, Macron entend poursuivre, en dépit du résultat des élections, la casse sociale et spécialement la destruction des services publics. Il applique la formule de l’extrême droite libérale : « il n’y a pas d’alternative au libéralisme ». Et, à la place de la lutte contre les inégalités sociales croissantes fabriquées par la politique gouvernementale, on nous sert le bouc émissaire : l’étranger, le migrant. Ce qui est du racisme, de la xénophobie et le terrain d’entente tout trouvé avec l’extrême droite.
Deuxième leçon : organiser le rapport de force contre cette forfaiture s’impose et il s’impose de ne pas trop chipoter sur les conditions. Ce qui compte ce sont les revendications. Ce qui compte c’est de constituer un large rapport de force.
Il est dans ce contexte, illusoire de dire comme le fait le Secrétaire Général de FO dans son éditorial du 3 juillet : « Nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes pour défendre nos droits et notre modèle social. ». Forfanterie bureaucratique tout au plus.
En fait il faut une alliance bien plus importante pour un rapport de force crédible. FO seulement, ça ne marche pas. Souvenons-nous de novembre, décembre 1995…
La CGT et l’Union syndicale Solidaires appellent à faire du mardi 1er octobre 2024 une journée d’action… Avec FO ce serait mieux.
Mais si on liste les revendications des uns et des autres, il manque toujours des revendications nécessaires :
Abrogation de la loi Immigration et cessation de la politique qui rend difficile l’accès à la nationalité française. Et aussi :
Intégration civile complète de tous les sans-papiers. C’est ainsi que l’on combat l’extrême droite… Alors que toutes ces lois des dernières années font le lit de l’extrême droite.
De même abrogation des lois liberticides depuis celle de juillet 2015 de contrôle policier de la société. Sur ce plan, il est significatif que les projections faites par Macron sur le budget 2025 sont : coupes budgétaires partout, sauf pour l’armée et la police.
Le rapport de force doit être rapidement constitué sur une base revendicative commune. Il doit intégrer l’ensemble des forces qui sont d’accord pour imposer l’alternative sociale contre le libéralisme.
Cela s’est passé en 1936, en 1945. Cela peut et doit se passer maintenant.
Septembre 2024,
E.Morel
De l’art d’enfumer le peuple…
… et continuer la casse, coûte que coûte,
sans scrupules mais aux ordres de sa banque, de sa classe !
Si ça, c’est pas du foutage de gueule …
Par le Père Iscope
« La démocratie, c’est l’oppression du peuple par le peuple, pour le peuple » (Oscar Wilde)
Ce n’est bien évidement pas nous, partisans de la démocratie directe et du mandat impératif donné par l’Assemblée Générale pour porter ses décisions, exigences et revendications… qui allons croire un seul instant que des hommes et femmes politiques, élu-e-s pour x années (voire plus !), sans avoir d’autres comptes à rendre qu’à leur conscience … politique, bien sûr ! Mais pas à qui que ce soit d’autre (peut-être à leurs partis, et encore!), … que ces hommes et femmes politiques vont respecter leurs promesses, respecter donc ce à quoi, en tant que candidats, ils disaient s’engager… une fois élus.
Se retrouver « élu(e) du peuple » du jour au lendemain, ça monte au ciboulot : non seulement ça doit agir sur le mental mais certainement aussi sur l’égo, car l’élu(e) du peuple devient d’une certaine manière intouchable, s’installant lui-même sur son piédestal de « persona grata » en qui on peut, on doit avoir confiance (la cocarde ! tricolore !…), un peu, beaucoup comme les vedettes du « petit écran » (comme on disait il n’y a pas si longtemps). Et c’est vrai que la politique et ses acteurs envahissent d’autant plus les programmes télévisuels qu’ils ont besoin de s’infiltrer dans les foyers et comme autrefois la mère Vedette (« Ça c’est vrai, ça! ») nous vendait sa lessive, une fois chez les gens, les persuader que tout ce qu’ils font…c’est pour notre bien.
Malheureusement pour le monde politique, la classe d’en-bas a de plus en plus marre du spectacle politique qui, d’une part, prend d’autant plus de place que les mensonges deviennent plus difficiles à faire avaler ; et d’autre part, recourent de plus en plus aux passe-droits de la Constitution de la République, les prenant, nous prenant pour des « neu-neus » (une espèce de quantité négligeable) alors que, de toute manière, tout se passe et tout est décidé au sommet de l’État, surtout sans référendum ou si peu, mais néanmoins supposé être décidé au nom du peuple français (via les élections rituelles … qu’on vote ou pas). Le résultat ? Quand ce n’est pas l’abstention, c’est le vote-sanction ou les deux à la fois !
Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple » (Bertolt Brecht)
Alors que l’Économie capitaliste dirige désormais (depuis un sacré bout de temps quand même!) « nos démocraties », c’est une nouvelle étape de l’évolution de l’Union Européenne qui nous est proposée par E.Macron de façon tout à fait anodine, comme si c’était dans l’ordre naturel des choses.
Je m’explique, mais pour cela, il me faut revenir sur ce scandale dévoilé début 2019, à savoir les quelques 330 000 jeunes victimes de viols et d’agressions sexuelles par des curés et autres notables de l’Église catholique en France depuis 1950, soit quelque chose comme 3 viols par semaine pendant 70 ans !
L’époque étant à la communication, un grand nombre de victimes sortent enfin de leur silence pour dévoiler les crimes dont elles ont été victimes, et demander réparation en mettant leur pape face à ses responsabilités. Devant la recrudescence des plaintes, et la lourdeur des peines d’emprisonnement encourues par les « bons pères (!)», le pape a demandé à ses « éminences grises » de faire quelque chose pour remédier à la très mauvaise image de marque du catholicisme… En ce qui concerne la France, la CEF (Conférence des Évêques de France) a décidé après débats et consultations, de créer une commission non pas laïque mais indépendante (ndlr : la nuance est de taille… pour les curés!), commission chargée, entre autres, d’entendre les victimes (et les tortionnaires ?!), la CIASE – Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église, dite aussi commission Sauvé, du nom de son président proposé par Macron, alias« Jupiter ». D’ailleurs, en ce qui concerne ce dernier, un des rares chanoines honoraire de Latran à prendre son titre très au sérieux (ndlr : il n’y a qu’à se rappeler accolade et baiser papaux entre les deux pour s’en convaincre!), certainement sollicité par le pape, il a immédiatement décidé que les ecclésiastiques incriminés échapperaient à la justice des hommes, la CIASE et le droit Canon lui suffisant !…
Quand on sait que ce qui compte, pour l’Église catholique, ce n’est pas le viol d’un être humain mais le viol du serment de chasteté adressé à dieu, viol pour lequel le fautif sera puni par une mise à l’écart d’une certaine durée – il retrouvera une cure plus tard, n’ayons crainte !, après qu’il aura demandé pardon à Jésus-Christ (et non pas à ses victimes!) pour son parjure…bref, passons…
Pour le reste, peu importe d’ailleurs de quels éminents spécialistes a été composée cette commission (la loi le lui permettant, le juge d’instruction aurait pu tout à fait demander les mêmes expertises), ce qu’il faut retenir, c’est que Pape et chanoine de Latran ont fait en sorte que les coupables ne subissent pas la justice des hommes mais bénéficient de la clémence de dieu – la CEF y a contribué à hauteur de 3,5 millions d’euros (ndlr : espérons qu’ils soient sortis de la banque vaticane et non des 15 milliards annuels versés par l’Éducation Nationale aux institutions scolaires privées à +90 % catholiques !?).
Pour nous autres Anarchistes embarqués dans le combat syndical contre toute cette engeance qui a dirigé le monde pendant plus de quinze siècles et qui prétend le conserver « in secula seculorum », il n’est pas question de vanter les mérites de la justice bourgeoise, bien au contraire, mais de dénoncer une fois de plus les entorses éhontées au principe républicain d’Égalité des citoyens que je résumerai toujours par la formule de Coluche « on est tous égaux, mais y’en a qui sont plus égaux que d’autres, quand même ! »…
Bref, tout ça pour affirmer que le citoyen Macron a bien avalisé une justice parallèle qui, de par la volonté des « hommes de dieu », s’est implantée dans une République laïque… et dans l’indifférence générale allant des députés et sénateurs élu(e)s (direct(e)s ou indirect(e)s du peuple français, aux éminents responsables de la Libre Pensée ; une justice parallèle à la justice républicaine ! C’est en quelque sorte une interprétation cynique de ce que clamait Victor Hugo : « l’État chez lui, l’Église chez elle ! ». En usant de la Comm’ et de paternalisme « tout terrain », parce que lui-même formé par les jésuites et appartenant à leur Église, il a défendu sa communauté contre le système de l’application des lois identique à tous et toutes. Il aurait pu s’arrêter là, mais comme il ne laisse rien au hasard et qu’il a l’esprit d’à-propos dans son art de manier la Comm’, il va s’en servir pour une autre communauté…
Celle de « l’île de beauté » : cette notion de communauté nous amène droit au bref séjour de Macron en Corse. Ajaccio, septembre 2023, devant les élu-e-s corses du peuple français (?!) le voilà qui n’exclut pas une interprétation du droit français par la communauté corse ! Donc…et par conséquent … par les différentes communautés « culturo-ethniques » de l’hexagone ((le président de la région Bretagne se positionne immédiatement!), des DOM-TOM et autres colonies. mais du coup, avec l’aval de Macron, c’est aussi la porte grande ouverte aux justices parallèles, l’autonomie des régions nécessitant leurs propres droits.
Pourquoi une telle déclaration à l’encontre de la république Une et Indivisible, donc anti-constitutionnelle, si l’on en croit Benjamin MOREL spécialiste de ce droit dans lequel la notion «de communauté et d’attachement particulier à sa terre », y compris française, n’existe pas! ? Si ce n’est que, derrière cette porte ouverte à ce qui semble être, à première vue, une liberté de plus dans le pays de la liberté par excellence, il s’agit de bien autre chose, à savoir de l’Europe des régions qui est en train de se mettre progressivement en place sans que cela ne s’ébruite trop, comme si le sujet ne valait pas d’être étalé dans les médias…et d’autant que certaines régions de pays de l’U.E, plus riches que d’autres (par ex. Italie du Nord, Pays Basque espagnol, etc.) en ont marre d’être solidaires des régions pauvres de leurs pays respectifs… Donc, une mise en place progressive pour le plus grand bonheur de nos banquiers d’affaires et grands patrons de multinationales qui sont pour beaucoup à y voir de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés. Par chez nous dans notre petite Bretagne, censée être une région riche aussi, le club des Vingt (milliardaires bretons) créé à l’époque par l’Institut de Locarn (pronant l’ultra-libéralisme), compte à présent une soixantaine de milliardaires autour des Bolloré, des Bernard Arnault, le Crédit Agricole Bretagne, etc. et milite activement pour y arriver rapidement!
« Vous avez dit bizarre, mon cousin !»
Ben oui ! C’est peut-être fabuleux pour certains (« ceux qu’ont l’pognon » comme dit la chanson de Craonne) de vivre dans une zone de Libre Échange, l’Économie au pouvoir, sans transgressions sauf pour les initiés … mais ça rappelle quand même le référendum de 2005, 55 % des français votant contre le projet de traité d’Union Européenne tel qu’il était rédigé, on n’en voulait donc pas de cette zone de Libre Échange !… ce qu’on voulait déjà, c’était l’amélioration de la protection sociale, l’extension du Service Public et l’augmentation des salaires qui permettent de vivre mieux et non l’inverse ! On a eu l’inverse : Deux ans plus tard, hors référendum, les députés et sénateurs en validaient une version plus illisible mais inchangée sur le fond … Le mépris du monde d’en-haut en réponse au ras-le-bol du monde d’en-bas… comme si nous n’existions pas !
« Depuis ce tour de passe-passe, les grandes orientations politiques, au niveau national et plus encore européen, échappent aux citoyens.(…) » (extraits Hérodote, 29 mai 2005 par andré Larané)
Et aujourd’hui, se profile l’Europe des régions ! Comme disait une humoriste à succès : « On ne nous dit pas tout ! »
Depuis en gros 1974, les contre-réformes se sont succédé, à commencer par le décrochage du SMIC de l’échelle des salaires, visant à réduire toujours plus les coûts de production côté Privé, côté Public, réduire la dette de l’État en réduisant le Service Public au stricte minimum, et entre les deux, casser notre système de protection sociale. L’essentiel étant que le Capital prospère, que ses banques d’affaires spéculent sans entraves ! (déjà en 2012 c’était 72 % de leur activité) et que ses multi-nationales continuent de plus belle leurs fusions/acquisitions ! … C’est qu’il faut s’aligner sur les moindre coûts !
Il nous est néanmoins resté le Code du travail, même si le droit du travail a subi comme les autres droits, des remaniements le restreignant, le rendant interprétable à souhait par les employeurs. Heureusement les jurisprudences qui s’y rattachent ne nous ont jamais autant servi ; les conventions collectives nationales, conventions collectives étendues et élargies, quoique malmenées, existent toujours, les accords de branche permettant encore une égalité de traitement pour tous les salariés quel que soit l’entreprise et l’endroit où ils se trouvent… mais jusqu’à quand ?
Avec l’Europe des régions autonomes et libérales, voire ultra-libérales – qui dit autonomie, dit droit propre – que deviendront dès lors ces CCN et autres conventions ? Il faut donc commencer à s’en préoccuper sérieusement !
« Il y’a ceux qui disent « faut pas s’en faire », d’aut’ qui disent « bientôt la guerre », (…) et d’aut’ qui pleurent « on est tous frères »…toi qui sort à peine du ventre de ta mère, qu’est-ce que tu vas faire ? Qu’est-ce que tu vas faire….(Bill Deraime – « Qu’est-ce que tu vas faire ? »)
Vers une fin programmée du Droit des Travailleurs ?
Comme disait Pierre Dac, « celui qui, parti de zéro, n’est arrivé à rien, n’a d’merci à dire à personne ! », une bonne définition de la situation du prolétaire dans l’industrialisation du XIXème siècle. L’avènement à venir des régions de l’U.E va-t-elle nous y ramener ? On peut même dire que cela a déjà commencé, l’exploitation de la main d’œuvre intérimaire des pays les plus pauvres de l’U.E dans les pays les plus riches. telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui nous en donne une idée en tant qu’exemple bien peu reluisant de l’avenir qui nous guette si nous n’y prenons garde. Donc, gardons-nous bien de rester passif à cette prochaine mise en place !
Maltraitances judiciaires
Inspiré d’une émission de France Culture :
Série « Quand le travail est à la peine »
Épisode 3/4 : Une organisation en souffrance
Mercredi 7 février 2024
« C’était une vocation qui n’était pas familiale, mais mes parents rapportent que de l’âge de 8/9/10 ans je voulais être juge donc il devait y avoir quelque chose dans l’ ADN inscrit là-dessus, mais je ne suis absolument pas issu d’une famille de magistrats ni d’avocats. Le Monde judiciaire m’était totalement étranger. C’est un choix que je n’ai jamais regretté. J’ai gardé très précieusement au fond de moi la lecture de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui me paraît un texte absolument extraordinaire d’une grande modernité. Il n’y a rien à ajouter ni à retrancher. Voilà cet idéal de justice et d’égalité de tous devant la loi me paraissait être un idéal intéressant, auquel très modestement je souhaitais participer.
Je suis arrivé donc en 1983. Mon bureau donnait sur les arènes de Nîmes, mais lorsque j’étais assis je ne voyais pas les arènes, tellement les piles de courriers qui m’attendaient étaient élevés. Mais cette situation, qui était déjà une situation de grande difficulté au début de ma carrière n’a fait que croître au fur et à mesure que les lois se sont multipliées. L’activité pénale, elle aussi s’est multipliée, puisque hélas la délinquance sur toutes ses formes, s’est accrue ; et par conséquent, très progressivement, bien sûr, la charge de travail, elle aussi s’est accrue. On a a oublié ce qu’on a appris à l’École Nationale de la Magistrature. La motivation de jugement est bien, on finit par procéder par affirmation ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps, on a d’ailleurs des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction d’une série d’éléments qui sont pourtant très importants et il faudrait s’attarder sur les faits. En tout cas les expliquer de façon complète.
Donc, on se contente d’une qualification sans développer. Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait les trois véhicules, quatre téléviseurs de Madame Durand lors d’un cambriolage, mais on n’ est pas du tout en mesure de préciser si Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durand, ou s’il ne la connaissait absolument pas. Bref fixer les conditions dans lesquelles a été commis l’infraction de manière à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge. Il faut avoir, à chaque fois que ça nous est demandé, la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu, c’est très important et en fait on finit par mettre des tarifs.
Quelle horreur, juger et on met des tarifs. On finit par oublier la quintessence, me semble-t-il, de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur des faits, la victime et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine. C’est aussi, après, le devenir de l’auteur de cette infraction, de manière à éviter la récidive et pour sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle de juge, ce qui est de plus en plus réduit à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins fortes. C’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, me posait un véritable problème d’éthique, car du coup la qualité de la justice finit par souffrir incontestablement. C’est une évolution constante qui est, semble-t-il, le fruits d’une volonté politique qui aussi a été constante. C’est-à-dire de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle doit disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’a jamais été interrompu. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. »
Jean Pierre Badi, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes
Après ce témoignage, cette émission se déroule avec des intervenants spécialisés dans le suivi des problèmes de stress au travail et des problèmes psychologiques. Elle rappelle que le pouvoir judiciaire est un des pouvoirs fondamentaux de la République, et, selon le principe de la séparation des pouvoirs, c’est-à-dire l’indépendance des institutions publiques qui sont : le pouvoir législatif qui fait les lois, l’exécutif qui les met en œuvre et les fait appliquer et le pouvoir judiciaire qui les interprète.
En cette période de dérives totalitaires, il est bon de rappeler que c’est Montesquieu qui développe sa célèbre théorie de la séparation des pouvoirs : il ne faut pas qu’une seule et même personne, ou qu’une seule et même institution ait les trois types de pouvoirs dans un État : le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.
Mais l’indépendance nécessite des moyens, c’est-à-dire des juges, des magistrats, des greffiers, du personnel, des tribunaux etc. etc. etc. Sans moyens ou avec des moyens réduits, le fonctionnement de cette institution, est forcément faussé, et les décisions rendues, forcément mal rendues.
Certains magistrats font état de ces difficultés de fonctionnement qui rendent le travail des personnels de justice ou de l’institution judiciaire extrêmement difficile, voire impossible selon les déclarations de cet ancien Président du tribunal correctionnel de Nîmes. Il est fait état d’un nombre de greffiers, de procureurs, de Juges, de personnels qui est, en gros, inférieur à un tiers des effectifs moyens sur l’Union Européenne.
Il déclare que cela pose à la fois un problème moral et un problème éthique. Parce que dans ces conditions, on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. On finit par prendre du recul par rapport à des valeurs qu’on porte en soi depuis que l’on est entré dans cette carrière, de sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps, puis au final un découragement, qui atteignent les personnels de l’institution judiciaire.
Heureusement il y a des périodes de vacances qui deviennent des périodes de décompression indispensables, sinon il n’aurait pas pu continuer dans ces conditions là, car les horaires de travail sont très chargés et d’une très grande fatigue. Beaucoup de « burn-out » autour de lui, et il a quelques collègues qui en sont arrivés à des extrémités dramatiques et se sont suicidés, en grande partie, à cause des problèmes de professionnels.
Ce qu’il veut exprimer aujourd’hui est le ressentiment partagé par la plupart de ses collègues. Il sait que la réaction par rapport à cette situation doit être une réaction à travers les engagements syndicaux pour essayer de faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres, mais voilà, ces engagements syndicaux sont lourds et beaucoup baissent rapidement les bras et s’accommodent de cette situation, à défaut de pouvoir la modifier.
Il est parti avec le sentiment du devoir accompli, même s’il constate amèrement qu’en fermant la porte du tribunal, il laisse une institution judiciaire qui est mal en point, très mal en point. Il a été Président du Tribunal Correctionnel de Nîmes. Les propos de l’émission qui suivent la déclaration de ce magistrat reconnaissent qu’elle est poignante mais elle constitue selon eux une trahison.
Il a trahi ses collègues parce qu’il a réussi à faire ce qu’on lui demandait de faire en quantité et que le fait de pouvoir évacuer les dossiers va permettre au chef de service ou gestionnaire d’imposer ses cadences à ses collègues et ainsi de suite et cela s’applique à chacun des acteurs. En fait, ce renoncement, cette acceptation fait que vous vous trahissez vous-même, que vous trahissez les avocats, parce que vous leur coupez la parole, parce qu’on a pas le temps qu’il faut, qu’on doit avancer coûte que coûte. Et maltraiter les avocats pose de graves problèmes dans le bon déroulement des audiences. Accepter cette situation, c’est faire mal son travail, trahir tous ces gens qui se sont mobilisés, avocats, greffiers magistrats et aussi et les justiciables qui ne bénéficient pas de bonnes conditions dans le déroulement de leur procès.
M.H.
Note de lecture :
Au commencement était …
Une nouvelle histoire de l’humanité
David Graeber
David Wengrow
David Greaber, décédé en 2020, était anthropologue et militant anarchiste américain, membre du syndicat Industrial Workers of the World (IWW). Son travail de chercheur et d’enseignant universitaire promeut des points de vue anarchistes du changement social vécus au jour le jour au sein des mouvements sociaux.
David Wengrow, chercheur et professeur universitaire d’archéologie à Londres, s’est penché particulièrement sur l’origine de l’écriture, l’art antique, les sociétés néolithiques et l’émergence des premiers États.
Dans ce livre publié en 2021, leurs auteurs, s’appuyant sur plus de dix ans de recherche, dévoilent un passé humain infiniment plus intéressant que les lectures conventionnelles. Ils permettent de déconstruire les mythes sur l’histoire de l’humanité où avec l’agriculture, les villes et la civilisation seraient nés la propriété privée, la bureaucratie, les guerres, le patriarcat et l’esclavage.
Leur témoignage de l’Histoire n’est pas cette ligne droite monolithique, incontournable et déterminée.
La question centrale d’ailleurs du débat ouvert par Jean-Jacques Rousseau et Thomas Hobbes : l’Homme est-il bon ou mauvais, n’est plus de mise.
Selon Thomas Hobbes dans Le Léviathan, l’Homme est un loup pour l’Homme. et d’après Jean-Jacques Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements des inégalités, l’Homme est bon de nature mais la société le rend mauvais.
La question du « bien » et du « mal », concepts on ne peut plus théologiques forgés de toute pièce par l’ idéologie religieuse des monothéismes, ne peut plus se transférer aux origines néolithiques de l’histoire de l’humanité.
Les recherches et découvertes archéologiques nombreuses et approfondies de nos jours remettent clairement en cause cette idée tant empreinte de religiosité.
Il y a eu au contraire régulièrement, depuis le néolithique au moins, des sociétés qui ont essayé de mettre au point des mécanismes de résistance au pouvoir.
Il est désormais acquis que l’agriculture n’a pas entraîné l’avènement de la propriété privée. Les premiers champs agricoles, ayant été choisis en fonction des crues des rivières enrichissant les sols, ne pouvaient rester sur des lieux fixes au dépend des variations géographiques des crues. Quant aux premières villes, elles ont pu fonctionner dans divers endroits de la planète selon des principes résolument égalitaires sans faire appel à de quelconques despotes, politiciens-guerriers bourrés d’ambition ou mêmes petits chefs autoritaires. Les hiérarchies sociales étaient souvent inexistantes voire inversées à chaque saison de la plaine à la montagne.
La lecture de ce livre nous fait voyager à la fois dans le temps et dans l’espace, des chasseurs cueilleurs du néolithique aux XVII° siècle en passant par les premières écritures, transporté de la Mésopotamie aux Amériques du nord et du sud en passant par la Chine et l’Europe et la Russie.
Les organisations sociales, tant diverses qu’opposées, y foisonnent ainsi de pages en pages révélant des exemples multiples de systèmes surprenants. Comme des petits rois autoproclamés carnavalesques n’ayant d’autorité que sur leur proche entourage, de villes organisées avant même l’installation de l’agriculture, de communautés de chasseurs cueilleurs interdisant à celui qui a tué la bête de distribuer la nourriture ( je te nourris donc tu m’obéis) pour éviter toute culture du chef. Il y a eu bien des sociétés qui ont essayé de mettre au point des mécanismes de résistance au pouvoir.
De grandes variétés de structures politiques sont évoquées, décrivant des communautés anciennes et modernes ayant construit des infrastructures urbaines qui n’ont pas conduit mécaniquement à la perte de libertés sociales ou à la montée des élites dirigeantes, mais à des concentrations urbaines basées sur des programmes sociaux égalitaires, dépourvues souvent de temples, de palais ou d’installations de stockage central contrôlées par une administration autoritaire et dirigeante, offrant plutôt des logements de haute qualité à la grande majorité de leurs habitants
L’histoire des idées n’est bien sûr pas en reste au fil de cet ouvrage. On y découvre des preuves archéologiques du rejet conscient de l’esclavage, des discussions avec des philosophes amérindiens du XVII° siècle, comme Kandiaronk, libre penseur et humaniste ou Zilia, princesse inca, enlevée par les conquistadors espagnols, remettant en cause le système européen colonisateur économiquement inégalitaire.
Au lieu des origines de l’inégalité, les auteurs constatent plutôt que les origines des États modernes autoritaires et oligarchiques sont plus superficielles que profondes et doivent davantage à la violence coloniale qu’à l’évolution sociale.
Dans la ligne droite et déterministe des récits conventionnels, les mythes sont donc bien à déconstruire, les possibilités d’émancipation sociale pouvant ainsi être trouvées dans une compréhension plus précise de notre histoire, basée sur les preuves scientifiques historiques et archéologiques révélées au cours des dernières décennies.
N’hésitez pas à vous plonger dans ce livre tant passionnant que vertigineux.
Bonne lecture.
Septembre 2024,
Laurence.
Moi aussi, (j’existe) !
Le Vertige Me Too,
un livre qui fait du bruit,
qui déchire.
Caroline Fourest, féministe, journaliste et réalisatrice, directrice de Franc-Tireur, vient de publier un livre qui fait un bilan sur MeToo. Elle fait le constat que beaucoup de coupables ont été exposés, mais que des innocents sont aussi sacrifiés, annulés au premier soupçon, à la première rumeur.
Elle reprend et condamne la formule des ultras : « Les innocents condamnés, c’est regrettable, mais on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs ». C’est plus facile à dire quand on n’est pas l’œuf ou bien un proche.
La honte a changé de camp dit-elle, mais la meute aussi.
Et la guillotine semble à géométrie variable, selon qui accuse et qui est accusé.
Elle pose des questions :
- Comment reconnaître le faux MeToo du vrai ?
- Faut-il se fier à la première accusation, sans attendre la justice ?
- Faut-il croire sur parole ou respecter la présomption d’innocence ?
- Bannir à vie ou adopter le principe de précaution ou accorder une seconde chance ?
Répondre à ces questions exige d’écouter sans renoncer au doute.
Ce livre se propose d’y réfléchir de façon apaisée, en remontant le fil de l’avant et de l’après MeToo. Il dénonce les abus, la brutalité, le manque d’instruction, les condamnations, pour des propos ou des gestes maladroits…
C’est un séisme qui a change nos vies, sa propre vie et dont Caroline Fourest salue les bienfaits, tout en refusant certains excès.
Ce livre aborde beaucoup d’affaires et Caroline Fourest se félicite de certaines condamnations. Mais elle évoque de manière claire, précise et sans ambiguïté, le risque non négligeable, pour MeToo, de servir de prétexte à des délations instrumentalisées avec la collusion de plaignantes pour éliminer quelqu’un notamment en politique, dans l’espace syndical, les entreprises ou tous lieux de pouvoir.
Tous ces endroits où l’on est toujours plus tenté d’exiger une démission sur le champ dans le camp d’en face que dans le sien.
Elle évoque les processus scandaleux montés de toutes pièces, les accusations fruits de problèmes psychologiques de la part de plaignantes, de la dérive grave que prend ce phénomène.
Elle demande à ce que les procédures de lois respectent les règles de droit et que l’on arrête de modifier le code pénal. Les condamnations, les règles de prescription qui sont aujourd’hui plus sévères que pour tout autre acte, meurtre, crime contre l’humanité…
Elle dénonce les règlements de comptes utilisés par certains et certaines pour éliminer sans procès un adversaire sans possibilité aucune de se défendre car les sanctions illégales sont appliquées sur le champ sans jamais pouvoir rétablir son honneur, même en cas de victoire judiciaire.
Ce livre est très bien documenté, très bien écrit. C’est une contribution importante sur ce sujet sensible.
Les médias ne sont pas épargnés avec leur course aux scoops pour augmenter les ventes. Peu importe les désastres occasionnés et des exemples sont donnés.
Espérons que d’autres livres de cette autrice et d’autres auteurs suivront pour que cesse ce que beaucoup considèrent comme des procédures arbitraires, une justice d’inquisition, des procès en sorcellerie.
Ce livre est à lire. C’est l’ouvrage d’une femme courageuse très courageuse, que je remercie.
M. H.
Fuir, s’émanciper
et construire différemment …
Il était une fois une île inhabitée, loin de tout, au climat extrême et rude.
Un groupe d’individus décida de s’y installer avec leurs familles et d’y vivre définitivement.
Tous aspiraient à vivre sans roi. Certains d’entre eux avaient tenté l’expérience en d’autres lieux, sans aboutir. Cette fois ils allaient se donner les moyens de fuir le despotisme d’une royauté.
Ils voulaient une société sans état, sans autorité suprême. Ils refusaient la notion de hiérarchie rigoureuse.
Ce n’étaient pas de doux rêveurs, leurs écrits témoignent de leur connaissances sur la nature humaine et les risques permanents des prises de pouvoir.
Leur organisation sociale est à la fois simple et pourtant complexe. Des groupes associatifs qui se recoupent et organisent les contre-pouvoirs. Une société qui tend vers l’égalité entre tous, ne prétendant pas être juste, mais qui opte pour le compromis pour contenir la violence et limiter le nombre d’exactions ou de crimes.
Une société basée sur les réseaux de solidarité, qui utilise le droit de façon très pragmatique, afin de résoudre les conflits internes, à l’aide de médiations afin de préserver la stabilité.
Tous les ans, au cours d’une réunion des représentants des différentes régions et des groupes d’individus, le contenu de la loi est discuté et amendé. Un « récitateur de la loi » en est le garant au cours de ces assemblées, sans pour cela qu’il ait des fonctions de pouvoir sur autrui.
Cette organisation sociale, structurée uniquement par la volonté des habitants de cette île, prônent la discussion et la conciliation. Elle n’a pas de guerriers… Aucun individu n’est la propriété d’un autre.
Et autre particularité, les habitants maîtrisent l’histoire de leur pays depuis ses fondements… par transmission orale et ensuite par l’écrit.
Je n’évoque pas quelques tentatives d’utopistes du XIX° siècle, dont les expérimentations perdurèrent plusieurs mois ou années… Cela a duré trois siècles, en pleine période féodale de l’Europe tout entière, du X° au XIII° siècle.
Il s’agit de l’histoire de la création de l’Islande par les vikings qui fuient le despotisme du roi de Norvège, terreur qui s’étend jusqu’aux colonies vikings en Angleterre, du Danemark aux îles Féroé.
L’auteur du livre : L’Islande des vikings, Jesse Byock, s’appuie, entre autre sur l’étude des Sagas.
Je le site :
« Ce livre porte sur la formation de l’État libre de l’Islande ancienne et couvre la période qui va du X° au milieu du XIII° siècle. Les colons arrivèrent de la Scandinavie continentale et des établissements vikings des îles Britanniques. Les nouveaux venus furent contraints de s’adapter à un milieu parfois rude et à un pays au ressources limitées. D’un point de vue socio-historique et anthropologique, l’Islande ancienne constitue un laboratoire social fascinant. La société qui s’y est développée au cours de l’époque vikings s’est abstenue de mettre en place la plupart des hiérarchies instituées qui existaient ailleurs, sans aller jusqu’à instaurer l’égalitarisme. Le consensus jouait un rôle très important dans la prise de décisions, et les formes de gouvernement de l’Islande médiévale ont leur origine dans la question spécifique que posaient les droits politiques et juridiques des fermiers libres. »
Pour nous qui vivons dans un monde sous la contrainte du capitalisme, et dont nous en subissons toutes les horreurs, guerres, esclavage salariale, exploitation absurde de tous les êtres vivants et de toutes les ressources jusqu’au complet épuisement total ; ce livre représente une bouffée d’air et d’espoir. Ces vikings, représentés à tord comme des êtres sanguinaires, ont évoqué un autre monde possible, ils ont tenté, en s’émancipant, de le créer et ils ont réussi… Vous pouvez déjà subodorer qui a anéanti leur expérience, … l’Église chrétienne qui ne pouvait entendre que des hommes puissent vivre sans roi !
Bonne lecture,
Christine
L’ISLANDE DES VIKINGS
Jesse Byock préfacé par Jacques Le Goff, édition Aubier