Les amis de Force-Ouvrière. Bulletin n°16 – Mars 2023
Urgent !
Retrait de la signature Force-Ouvrière
de l’ANI du 10/02/2023
L’Accord National Interprofessionnel
du 10 février 2023 signé par FO, c’est :
- L’alliance corporatiste « capital-travail »,
- Avec système de retraite d’entreprise,
- Négociation salariale tous les 4 ans,
- Perte d’emploi et du « capital » !
Le secrétaire général de FO, F. Souillot, vient de s’adresser aux membres du CCN, le Comité Confédéral National, à venir les 22/23 mars pour affirmer :
« Depuis le 19 janvier, nous avons mis des millions de personnes en grève et dans la rue. À FO nous avons communiqué et écrit depuis le 19 janvier sur l’appel et le soutien aux grèves et mobilisations. Nous devons continuer dans ce sens. C’est pourquoi nous avons proposé à l’intersyndicale la grève les 15, 16, et 17 mars afin de peser syndicalement sur le vote des parlementaires. »
Or ces millions de personnes se sont mis en grève sans que la direction de FO, et pas plus des autres centrales d’ailleurs, ne puissent dire : « nous avons mis des millions…».
Non. Tout comme en 1936 ou 1968,
ce sont les travailleurs qui sont à l’initiative
contre l’injustice sociale.
Et les centrales suivent !
Sinon ce serait des rodomontades*, genre « Tartarin avenue du Maine ». De ça personne n’est dupe, y compris au CCN.
Dans les faits, loin d’être la tête du mouvement pour FO, c’est le contraire qui se passe et qui est perçu.
Ainsi le journal patronal Capital du 7 mars écrit :
«Grèves : où est passé Force-Ouvrière ?… FO, le 3ieme syndicat français fait les frais du front commun inédit entre la Cfdt et la CGT, dans le mouvement contre la réforme des retraites. »
Libération dès le 10 février avait fait le même constat :
« Retraites : Laurent Berger et Philippe Martinez font la part des choses. Unies contre la réforme des retraites, CGT et CFDT marchent du même pas pour la première fois depuis 2010. »
C’est vrai que depuis 2010, l’alliance c’était CGT et FO. on l’avait vu pendant des mois, en 2016 contre « la loi Travail », contre « valls-hollande » et contre la Cfdt.
Et puis il faut le niveau pour s’imposer dans un mouvement social !
Comme il est loin le temps où un autre journal patronal, L’Opinion du 8 octobre 2018 écrivait :
« Pascal Pavageau (FO) vole la vedette à Philippe Martinez (CGT). Les deux syndicats contestataires appellent à la mobilisation contre l’exécutif, mais derrière l’union, ils se disputent le même créneau. »
Donc première leçon du mouvement : FO sur la touche et la CFDT qui était pour « la loi Travail » et « la retraite par points » est à nouveau en selle voire à la tête du mouvement.
Du coup pas étonnant que le mouvement impulsé soit du genre « saute-mouton » toujours condamné par FO.
Car les mouvements « saute-mouton » ne marchent jamais.
*Rodomontade : Vantardise pleine d’insolence. Fanfaronnade.
Mais le pire c’est que dans le même temps où se déroulait la « Mère des batailles » pour les retraites, plutôt que de créer le rapport de force, une bonne partie de l’intersyndicale avec la Cfdt signait un accord avec le gouvernement sur ce que l’on nommait dans le temps « l’intéressement ». et Souillot, plutôt que de mener la « Mère des batailles », a suivi la Cfdt pour signer ce texte corporatiste.
Qui peut croire que tu vas créer un rapport de force et gagner en pactisant avec l’adversaire à la botte du capital ?
Ce pacte capital-travail, c’est l’« Accord National Interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise ».
Le préambule nous précise qu’il s’agit d’une « vision » qui vient de « l’intéressement » de 1959 et de la « participation des salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise ».
À propos de dividende, le texte précise :
« La notion de dividende caractérise une modalité de rémunération des apporteurs de capitaux propres. Il ne peut donc pas caractériser les éléments de partage de la valeur en faveur des salariés. À cet égard, l’expression «dividende salarié» apparaît inadaptée et source de confusions. Les parties signataires s’engagent donc à ne pas soutenir ce concept. Il est rappelé par ailleurs que le terme de «dividende du travail» existe dans le Code du travail pour désigner l’intéressement, la participation et l’épargne salariale.»
Donc pas touche aux dividendes
ni à leur montant qui ne se « partagent » pas !
Alors on partage quoi ?
Surtout de l’idéologie patronale !
Par exemple:
« Les entreprises et les salariés sont confrontés à des défis hétérogènes qui justifient des outils flexibles. »
Or il y en a plus que marre de la « flexibilité » pour les salariés ! Et ce depuis 40 ans !
Que dire (chapitre 1) de :
« Les partenaires sociaux réaffirment que le salaire doit rester la forme essentielle de la reconnaissance du travail fourni par les salariés et des compétences mises en œuvre à cet effet. »
« Forme essentielle » veut dire quoi, et fait entrer quoi comme autres formes de « la reconnaissance du travail » ?
Alors que la loi Travail a renvoyé la négociation salariale en entreprise.
Alors que, chez Total c’est en 2022 : + 50% pour les dividendes et 7% après grève pour les salariés.
On rajouterait un peu de « partage de la valeur » et ça pourrait faire passer plus facilement l’envolée des dividendes, l’injustice sociale et tasser un peu la baisse du pouvoir d’achat ?
Tout est tordu, car il est dit (ch.1, article 1) :
« Les sommes versées au titre de dispositifs de partage de la valeur identifiés comme tels dans le Code du travail (intéressement, participation ou Prime de Partage de la Valeur) ne doivent ainsi pas se substituer aux éléments de salaire en vigueur dans l’entreprise. »
Et en même temps, article 2 :
« Les partenaires sociaux réaffirment que le partage de la valeur dans les branches professionnelles et dans les entreprises passe essentiellement par le salaire, qui doit être l’élément principal de la reconnaissance du travail et des compétences mises en œuvre par les salariés.»
Alors ça passe ou ça ne passe pas « essentiellement par le salaire.» ?
CONFUSION qui peut faire jouer des « primes de partage de la valeur » en fait d’augmentation, sans incidence sur le financement de la protection sociale (et donc du montant de la retraite).
Le texte, en fait, ne garantit rien de précis quant aux entourloupes qui mettraient en cause le financement de la protection sociale …
Sinon le cadre est aussi antisocial que possible :
« L’employeur doit prendre l’initiative d’engager au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise. »
Et au niveau de la branche, c’est pareil :
« Au moins une fois tous les quatre ans ».
C’est se moquer des travailleurs ! Alors que les dividendes, c’est tous les ans !
En sus on note, alors qu’il faut se battre pour la retraite par répartition, la mise en place d’un « Plan d’Épargne Retraite» (art.10) et « Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif », pour les PME (art.6).
Alors on défend le système par répartition ?
Ou on bidouille un plan de retraite d’entreprise ?
de discuter d’un système de retraite par entreprise,
alors qu’il faut défendre un système collectif intergénérationnel ! ! !
De même l’article 17 intègre les « entreprises faisant largement appel à la sous-traitance d’inclure l’ensemble des salariés des entreprises concernées dans leurs dispositifs de partage de la valeur. »
Donc plutôt que de lutter contre la plaie sociale de la sous-traitance, véritable dumping social, les syndicats en valideraient la pratique en tentant de la « moraliser ». Idem pour « la branche de travail temporaire » ((article 20).
C’est du corporatisme que d’accepter ce cadre et le corporatisme c’est la mort du syndicalisme.
C’est aussi, pour les « révolutionnaires autoproclamés » ou pas, comme pour tous, de la collaboration de classe.
Ce que prouve le chapitre 4 :
« L’actionnariat salarié permet aux salariés de posséder des actions de leur entreprise, devenant ainsi « actionnaires salariés et propriétaires d’une partie de la société »
Le pompon, c’est :
« Les organisations signataires souhaitent faciliter la mise en place de dispositifs permettant une moindre exposition aux risques de perte en capital pour les salariés d’entreprises mettant en place un plan d’actionnariat salarié. Un risque inhérent à l’actionnariat salarié est notamment la perte cumulée de l’emploi et du capital investi en cas de faillite de l’entreprise » (article 23).
La voilà bien « l’alliance capital-travail » dont on n’a jamais vu les bienfaits depuis 1959 et « l’intéressement » : À la fin tu perds ton boulot et ton « capital » !
Le communiqué dit :
«Le Bureau confédéral de FO a décidé d’apposer sa signature sur l’Accord National Interprofessionnel négocié par les interlocuteurs sociaux, bien qu’il ne réponde pas aux ambitions portées par l’Organisation en matière, notamment, de salaire. Pour FO, le salaire est, et doit rester, le principal levier susceptible de maintenir le pouvoir d’achat des salariés. Il est aussi la principale source de financement du système de protection sociale collective, du fait des prélèvements sociaux que sont la CSG et la CRD…Pour autant, dans ce contexte de forte inflation et de flambée des prix, FO consciente que toute mesure en faveur du pouvoir d’achat constitue « un plus » pour les salariés, a fait le choix de signer cet ANI. »
Or FO a un mandat historique et social qui ne se brade pas.
- Il est impossible de signer un accord corporatiste qui n’apporte aux salariés que la possibilité de perdre, et son emploi et le « capital » qu’il aura investi dans l’entreprise.
- Il est impossible d’accepter un cadre de négociation « tous les quatre ans », qui revient à valider la baisse du pouvoir d’achat.
- Il est impossible d’accepter un système de retraite dans l’entreprise.
- Il est impossible d’accepter le cadre corporatiste toujours combattu par FO, tout ça pour « un plus » hypothétique, soit des clopinettes.
C’est une trahison du mandat.
C’est une trahison des travailleurs mobilisés pour battre le gouvernement depuis janvier en défense de leur système de retraite.
Donc camarades du CCN, camarades de FO, il faut d’abord et toujours des revendications de classe, les nôtres. Exemples :
1) Pour lutter contre la « flambée des prix » de l’énergie : rétablissement du monopole d’EDF, dont la « mise en concurrence » ne sert qu’à spéculer sur l’énergie contre travail et travailleurs.
2) Une loi sur l’échelle mobile des salaires, grande conquête de FO en 1952.
3) Retour à la contribution des entreprises au financement de la retraite par répartition.
4) Et bien sûr : retrait de la signature de FO de l’ANI du 10 février 2023 !
Ne jamais se mettre à la botte du capital. Porter l’alternative sociale.
On est là … On ne lâche rien ! ! !
Les Amis de Force-Ouvrière
Février 2023
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