Les amis de Force-Ouvrière. Bulletin n°20 – Juin 2024

LES AMIS DE FORCE-OUVRIÈRE

 

La Charte d’Amiens c’est prendre l’initiative
des revendications et du combat.
Ce que la CGT de Léon JOUHAUX
et FO avaient toujours fait.
Ce n’est pas, comme en juin 2024,
de «laisser libre chacun» de ses initiatives.
Ce n’est pas la pratique à FO,
de ne prendre aucune initiative et de ne rien faire.

Par communiqué du 10 juin 2024, le secrétaire général de FO, Souillot, écrit :

« Depuis sa création, Force ouvrière s’est construite sur l’indépendance, le rejet de toute emprise et instrumentalisation politiques. Le Bureau confédéral de FO réaffirme son opposition à toute forme de racisme et de rejet de l’autre, ainsi que son attachement fondamental aux valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité FO restera sur le terrain syndical pour porter ses revendications en toute indépendance et défendre les intérêts des salariés. »

La Commission Exécutive du 13 juin lui emboîte le pas avec un communiqué qui déclare :

« Pour Force Ouvrière qui, conformément à la tradition de l’indépendance syndicale, ne donnera aucune consigne de vote, ce qui est nécessaire, c’est de rester sur le terrain syndical pour porter nos revendications et défendre les intérêts des salariés du public comme du privé.

FO fidèle à ses principes, rappelle qu’elle a combattu et combat les atteintes aux libertés et lutte au quotidien contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme. Concernant les différentes mobilisations, en cours ou à venir, la Confédération FO laisse libre chacun de les rejoindre ou non. »

En conséquence, le secrétaire général de FO a refusé que la Confédération participe à l’intersyndicale qui appelait à manifester contre l’extrême droite, ce samedi 16 juin 2024, dans toute la France.

FO fait donc bande à part dans le combat contre l’extrême droite en refusant d’y participer comme Co

nfédération et sans prendre la moindre initiative « indépendante ». Rien.

Ce qui se voit par l’absence de FO, comme Confédération, du tract intersyndical ci-dessous, lequel ne « mange pas de pain » et ne livre pas FO à la dépendance vis-à-vis du pouvoir politique ou du patronat : ⇒ ⇒ ⇒ ⇒

Le problème, en fait, c’est que le positionnement du Secrétaire Général de FO ne correspond ni à la Charte d’Amiens et ni à son respect.
Il ne correspond pas plus à l’Histoire de la CGT confédérée que continue la CGT FO. 

D’où la piqûre de rappel ci-dessous  qui prouve que la CGT confédérée est à l’initiative du Front Populaire !!!

Le 6 février 1934, l’extrême droite manifeste contre la République. En application de la Charte d’Amiens la CGT confédérée, Jouhaux, Secrétaire Général, et ses camarades font parvenir aux Unions le texte :

« Gouvernement démissionnaire ; libertés publiques menacées, Organisez sans délai manifestations avec tous groupements de gauche ».

Le 7 février, la CA de la CGT lance le mot d’ordre de grève générale de 24 heures pour le 12 février : « contre les menaces du fascisme et pour la défense des libertés politiques ». Alors la SFIO, avec Blum, prend contact avec Jouhaux : « Nous déclarâmes à nos amis de la CGT que … grève et manifestation se confondraient et se multiplieraient l’une l’autre » ( L.Blum, tome 3 des Œuvres, p.15.)

Le 8 février, la CGT confédérée diffuse un Appel :

« Comptant sur la misère, sur le chômage, sur l’affreuse angoisse des jeunes, les forces fascistes militantes, dressées contre le régime, ont agi…Nous travailleurs organisés, nous le répétons, nous ne voulons pas que soient confondus, les voleurs, leurs suppôts et la démocratie. Nous voulons conserver les libertés fondamentales si héroïquement arrachées par nos aïeux, et sans lesquelles la vie ne vaut plus digne d’être vécue. C’est pour affirmer cette volonté inébranlable que les travailleurs, tous les travailleurs, doivent cesser le travail le lundi 12 février. »

La journée du 12 février, voulue et initiée par la CGT confédérée, est un succès historique. Les cortèges distincts de la CGTU communiste et du Parti communiste finissent par rejoindre, place de la Nation, ceux de la CGT et de la SFIO. La CGT publie un communiqué : « La CGT a pu constater que Paris travailleur avait répondu avec enthousiasme et que le lundi 12 février fut une grandiose réponse aux manifestations fascistes, hitlériennes, réactionnaires du mardi 6 février ».

Ce 12 février, c’est bien la date de naissance du Front Populaire à l’initiative de la CGT confédérée. Fait reconnu par Blum, dans un texte de 1941, où, en mémoire du 12 février, il invoque « ce pacte d’unité d’action qui devait servir de base au Front Populaire » (L.Blum À l’échelle humaine, tome 4 des Œuvres, p. 456). Dans la pratique le rapprochement PS-PC se fait dès juillet 1934 et la fusion de sections CGTU dans la CGT confédérée commence dès l’automne 1934 chez les cheminots.

Le Front populaire se constitue le 14 juillet 1935 avec trois partis politiques, PS, PC, Parti Radical.

La CGT confédérée, ayant pris l’initiative du mouvement dès le 12 février 1934, elle fait partie du Front Populaire, mais sur son propre programme. Et c’est toujours la Charte d’Amiens, lorsque Blum propose à Jouhaux par courrier du 11 mai 1936 de devenir ministre (pour « réaliser le programme commun que vous avez aidé le Front Populaire à établir »). Et que Jouhaux refuse catégoriquement. Car ça, ce serait contraire à la Charte d’Amiens.

On le voit le positionnement de la direction de FO, en juin 2024, est contraire à l’histoire de la CGT confédérée et contraire à la Charte d’Amiens. FO devait prendre l’initiative en 2024 comme ce fut le cas en 1934…
Se laver les mains du mouvement contre l’extrême droite et contre le macronisme en renvoyant les militants à des initiatives individuelles est irresponsable face à la situation historique actuelle. C’est aussi, pour le secrétaire général, prouver qu’il n’est pas à la hauteur du mandat qui est social et historique.

Autre exemple historique majeur : en 1938, la CGT prend position contre les accords de Munich, signés par Daladier au seul bénéfice d’Hitler et de l’hégémonie nazie. position politique de la cgt, c’est sûr. mais face à cette forfaiture, impossible de s’en laver les mains et de renvoyer chaque « militant » à sa « liberté ». la CGT a eu raison de prendre cette position, alors que le parlement, lui, se déshonorait en approuvant massivement ces accords. et nul n’a prétendu que la Charte d’Amiens n’était pas respectée.

Reste la question du vote. Il est incontestable, comme Blondel l’a montre en 2002, que la CGT FO n’a pas à donner des consignes électoralistes en faveur de tel ou tel parti…

Toutefois, si le syndicalisme est mis en danger, nous savons toutes et tous, que la CGT FO est capable, au nom de la Charte d’Amiens, de donner une consigne de vote : comme en 1969 en appelant à voter « non » !

Ainsi, lors du Congrès Confédéral FO de mars 1969, la question du référendum voulu par De Gaulle se pose avec la régionalisation et la réforme corporatiste du Sénat. Le secrétaire général, Bergeron, affirme :

« Nous sommes opposés à tout confusionnisme et nous craignons qu’en fait il s’agisse plutôt du renforcement du pouvoir central, et nous craignons l’aggravation des tensions entre régions ». C’est pourquoi le « projet est condamnable dans son principe ». Après Bergeron, intervient Boussel (Pierre Lambert), lequel affirme : « non au corporatisme, non au référendum, non à l’intégration des syndicats à l’État ! ». C’est pourquoi la CGT FO, parce que le syndicalisme était en danger, a appelé à voter « non » au référendum de 1969.

On voit bien que le syndicalisme de la Charte d’Amiens, ce n’est en aucun cas ne prendre aucune initiative. Cela n’a jamais consisté à « laisser libre chacun » de prendre telle ou telle initiative !

À quoi ça sert d’avoir une Confédération pour qu’elle ne prenne pas l’initiative comme en 1934-1935 !

Sans oublier qu’en 1935, une Confédération avait fait pareil, refusant le Front Populaire : mais c’était la CFTC !! Et la CFTC, ce n’est pas la Charte d’Amiens !!

Prendre l’initiative de l’action, c’est la meilleure indépendance. Ce que Blondel a fait en novembre-décembre 95 pour la défense de la Sécu.

Ne rien faire, ce n’est pas l’indépendance. C’est seulement ne rien faire et passer à côté d’un mouvement historique. C’est pourquoi les militants ne sont pas d’accord.

Comme ceux de l’Eure, UD FO 27 ou du Doub, UD FO 25 :

Comme celles et ceux à Paris, qui ont défilé à l’initiative de l’UD de Paris / Île-de-France. Le ballon rouge FO de l’UD 75 était bien là pour signifier, et de loin, la présence de Force-Ouvrière contre l’extrême droite et contre la « macronie »… La jeunesse, présente de manière massive dans la manifestation, prouvait bien l’importance de cette mobilisation.

Ces camarades ont respecté la Charte d’Amiens, bien entendu. Car un accord tactique, c’est un compromis, pas une compromission. Et ça n’empêche pas de continuer le bon combat pour les revendications, comme lors du 1er mai 2002 en manifestant derrière la banderole :

« Les revendications tout de suite,
la République toujours ! »

En revanche, comparé à Jouhaux comme à Bergeron et à Blondel, on ne peut que constater que le Secrétaire Général actuel de FO n’est pas à la hauteur de son mandat, mandat qui est de prendre l’initiative, de préférence, le premier, de rassembler dans la lutte. Et non pas son contraire : renvoyer chacun à sa propre initiative.

Avec ça, l’image de FO ne sort pas grandie et risque de faire passer le syndicat comme complaisant vis-à-vis de l’ordre établi. Et le malaise est palpable parmi les militants.

Et pourtant le combat continue, bien sûr, mais par des initiatives et par l’action quel que soit le gouvernement. Et pas par des formules d’appareil automatiques qui nous conduisent à passer pour le syndicat qui ne fait rien. Voire qui signe, comme en 2023, un texte patronal sur le « partage de la valeur »…

En 2024, il fallait et il suffisait que l’initiative soit le fait de FO, entraînant les autres confédérations.
Il faudra bien tirer la leçon de cette faute historique de 2024, faute comparée au passé et aux responsabilités de la CGT FO, du syndicalisme de la Charte d’Amiens.
L’indépendance, la vraie, celle des initiatives sociales et de l’action revendicative, sera, à nouveau, la raison d’être de la Force-Ouvrière.

Les Amis de Force-Ouvrière
juin 2024

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