Les amis de Force-Ouvrière. Bulletin n°17 – Avril 2023
LA SIGNATURE PAR FO
DU TEXTE PATRONAL
SUR LE PARTAGE DE LA VALEUR
QUI EST CONTRAIRE
AU MANDAT, AUX STATUTS
ET MÊME A LA RÉSOLUTION
GÉNÉRALE DE 2022
DOIT ÊTRE ANNULÉE
La Résolution générale adoptée à la fin du congrès FO de 2022 proclamait :
« Le Congrès réaffirme son attachement indéfectible à la démocratie syndicale qui consiste à la définition et au contrôle du mandat, pendant et entre les Congrès. »
Pour les retraites, la Résolution générale affirme : « Le Congrès rappelle que la retraite est un droit constitué par les travailleurs eux-mêmes tout au long de leur carrière, et non une prestation d’assistance. Il s’agit d’un droit, fondé sur le mécanisme du salaire différé et de la contribution, corrigé de la solidarité nationale. Pour le Congrès, la retraite n’est pas et ne doit pas être une variable d’ajustement des finances publiques ». Et encore : « Comme Force Ouvrière l’a démontré à chaque contre-réforme par des propositions concrètes et réalistes, il est possible de trouver les financements nécessaires, tout en réintroduisant de la justice sociale et en conservant, notamment, le cadre assurantiel et contributif. L’augmentation des cotisations patronales ou la suppression des exonérations constituent des pistes efficaces.
Le Congrès rappelle sa volonté à défendre un système de retraite par répartition solidaire et intergénérationnel, ainsi que sa volonté de conforter et d’améliorer les dispositions du système actuel et de ses régimes, afin de garantir un haut niveau de pensions à toutes et à tous. »
Avec le contrôle du mandat, le cadre de défense du système par répartition est défini, comme normalement à FO, et les revendications aussi. Le cadre donné jusqu’au prochain congrès c’est ça et rien d’autre. C’est ça en 2023 et rien d’autre…
C’est pourquoi la signature par des dirigeants FO de l’accord sur le partage de la valeur le 22 février 2023 est nulle et non avenue. Car la Résolution n’autorise personne à signer un texte corporatiste d’association capital-travail. Et le « contrôle du mandat » n’a pas été fait, sinon le respect des statuts et de la Résolution interdisait de signer ce texte corporatiste. Et puis on ne peut à la fois défendre le système de retraite par répartition et, « en même temps » la retraite interne à l’entreprise avec l’actionnariat salarié et, au bout du compte, le risque pour le salarié de perdre à la fois son emploi et le « capital » qu’il aura investi.
Car rappelons que l’ANI du 10 février 2023 comporte la mise en place d’un « PLAN D’ÉPARGNE RETRAITE » (art.10) et d’un « PLAN D’ÉPARGNE POUR LA RETRAITE COLLECTIF », pour les PME (art.6). Et que dire du chapitre 4 : « L’ACTIONNARIAT SALARIÉ PERMET AUX SALARIÉS DE POSSÉDER DES ACTIONS DE LEUR ENTREPRISE, DEVENANT AINSI “ACTIONNAIRES SALARIES ET PROPRIÉTAIRES D’UNE PARTIE DE LA SOCIÉTÉ.” Tout ça allant jusqu’à l’article 23 : “UN RISQUE INHÉRENT A L’ACTIONNARIAT SALARIE EST NOTAMMENT LA PERTE CUMULÉE DE L’EMPLOI ET DU CAPITAL INVESTI EN CAS DE FAILLITE DE L’ENTREPRISE”
Ce qui est un “marché de dupes” contraire à l’intérêt des salariés
LA RÉSOLUTION GÉNÉRALE DU CONGRES DE 2022 DÉFENDANT EXCLUSIVEMENT LA RETRAITE PAR RÉPARTITION INTERDIT DE SIGNER L’ANI DE FÉVRIER, L’ANI DE L’ASSOCIATION CAPITAL-TRAVAIL…ET LE RESPECT DU MANDAT OBLIGE A RETIRER CETTE SIGNATURE ! IL EST CLAIR QU’IL N’Y A PAS EU “CONTRÔLE DU MANDAT”, LEQUEL AURAIT CONDUIT AU REFUS DE SIGNATURE PAR RESPECT DE LA RÉSOLUTION ET DES STATUTS…
Cette signature toute l’histoire de FO,
QUI DEPUIS 75 ANS “CONTINUE” LA CGT CONFÉDÉRÉE DE LA CHARTE D’AMIENS, l’interdit…
À titre d’exemple, le Plan que Bothereau fait adopter lors du congrès confédéral de 1961 donne un cadre clair, se disant favorable “au développement harmonieux de l’économie, notamment par le contrôle ouvrier sur les investissements, la réforme de la fiscalité et de la distribution, la lutte contre la spéculation.”
ÇA C’EST LE PROGRAMME DE CLASSE DE FO…ALORS QUE L’ANI DE 2023, C’EST LE PROGRAMME DU PATRONAT PARAPHÉ PAR DES ORGANISATIONS SYNDICALES INTÉGRÉES…
En 2023, patronat et gouvernement ressortent le blabla de l’intéressement, de la participation, vieille lune du début de la 5e République. La CGT-FO avait répondu de manière définitive à cette proposition d’intégration par son “NON” au référendum de 1969 et dès son congrès confédéral de 1966 :
“LA RELANCE DES CONTRATS D’INTÉRESSEMENT DU TYPE ASSOCIATION CAPITAL-TRAVAIL NE PEUT QU’AGGRAVER LES PRÉJUDICES CAUSÉS AU SALAIRE PAR LA PROLIFÉRATION DES PRIMES.UNE REMISE EN ORDRE GÉNÉRALE DES SALAIRES TANT DANS LEURS STRUCTURES QUE DANS LEUR MONTANT S’IMPOSE IMPÉRATIVEMENT. ELLE NE PEUT ÊTRE EFFICACEMENT RÉALISÉE QUE DANS LE CADRE DE NÉGOCIATIONS LIBREMENT CONDUITES, AU NIVEAU DE CHAQUE SECTEUR, COMPORTANT, DES ACCORDS GARANTIS COMME SUR L’ÉVOLUTION DES SALAIRES RÉELS AFIN DE MAINTENIR ENTRE LES UNS ET LES AUTRES UNE CONSTANTE RELATIVITÉ. »
C’est le même cadre en 2023 et la réponse doit être la même : “NON”.
Durant le même congrès de 1966, LE CAMARADE PIERRE BOUSSEL LAMBERT INTERVENAIT EN PROPOSANT, EN OPPOSITION AU PROJET DE RÉSOLUTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL BERGERON, UN
“CONTRE-PROJET DE RÉSOLUTION ÉCONOMIQUE”
“La C.G.T.F.O. :
- affirme que l’étude objective du Ve Plan démontre la volonté délibérée du Capital et de son gouvernement d’imposer une politique autoritaire des revenus salariaux ;
- appelle les syndicats à tout mettre en œuvre pour faire échec aux structures de la réforme administrative assujettissant la Fonction publique au Pouvoir, qui concentrant tous les pouvoirs de décision entre les mains des Préfets, cherche à règlementer les relations de travail, dans un réseau d’institutions à caractère corporatif et policier, liquidant toutes les garanties conventionnelles et contractuelles ;
- condamne la participation des salariés à l’autofinancement sous toutes ses formes.”
ET l’ANI DE 2023, c’est ça : le patron demande aux salariés d’être de sa poche, tout en n’évitant ni le licenciement ni la perte de l’argent “investi”…
L’accord sur le partage de la valeur entre “partenaires sociaux”, c’est le patron qui décide et les syndicats signataires qui suivent…à condition en plus de croire que le patron fait dans le social parce que ce serait marqué dans l’accord :
VIEILLE RENGAINE QUE LE CAMARADE LAMBERT DÉNONÇAIT LORS DU CONGRES CONFÉDÉRAL DE 1974 :
“Camarades, il est un patron très, très social, un des partenaires sociaux, selon le vocabulaire que l’on utilise maintenant… Il s’agit de M. Bidegain. Il déclare à tout propos et hors de propos qu’il est prêt à partager son pouvoir dans l’entreprise. M. Bidegain est à l’origine d’un accord qui a été signé à Salamander ; il a violé les termes de cet accord ! Les travailleurs ont dû mener une grève de deux mois contre ce patron très, très social ! Contre ce patron qui a pris l’initiative de violer l’accord qu’il avait signé !
Mes camarades, Bidegain est également le père d’un fameux accord, l’accord Lip. C’est M. Bidegain qui a présidé à l’accord qu’a terminé cette grève qui aurait pu être autre chose, qui aurait pu être le point de départ d’une mobilisation générale de toute la classe ouvrière contre tout licenciement, mais qui s’est finie sur un accord dont les résultats ne sont pas plus bénéfiques pour les travailleurs de chez Lip que ne l’a été l’accord Salamander. Mais Bidegain avait des partenaires chez Lip, des partenaires qui, farouches apôtres de l’autogestion ont accepté la liquidation des avantages .” On a reconnu la CFDT comme “apôtres”…
BIEN VU, CAMARADE, ET CE QUI S’EST PASSÉ DANS LES ANNÉES 1970 C’EST CE QUI VA SE PASSER DANS LES ANNÉES À VENIR : LE MÊME MARCHÉ DE DUPES SUR LE DOS DES TRAVAILLEURS…
Au fait, au niveau de FO, on observe qu’à l’époque la “démocratie syndicale” n’était pas du baratin, c’était une pratique : Lambert pouvait présenter son contre-projet sans se faire rabrouer, sans censure préalable!
Alors que, lors du CCN d’avril 2023, les militants qui ont mis en cause la signature de l’ANI capital-travail se sont fait tancer par l’actuel secrétaire général. ELLE EST OÙ, EN 2023, LA “DÉMOCRATIE SYNDICALE” ? La “démocratie syndicale” c’est quand les militants peuvent s’exprimer librement, c’est l’interdiction de signer des accords sans contrôle du mandat et qui sont contraires aux résolutions du Congrès. En 2023, à FO, la liberté d’expression est brimée, une bonne partie des contestataires de naguère, qui suivaient Lambert, observent un silence injustifié, la pensée unique veut s’imposer, il n’y a pas contrôle du mandat et du coup, on signe l’accord capital – travail…ce qui est illégitime…
AU FAIT, IL EST OÙ LE “CONTRE-PROJET”, FAÇON LAMBERT, EN 2023, DE L’ENSEMBLE DE SES HÉRITIERS, CONTRE LE CORPORATISME “CAPITAL-TRAVAIL” DE L’ANI SUR LE PARTAGE DE LA VALEUR ?
C’est plutôt “silence dans les rangs” et certains en sont même à faire la police. Et ça, Camarades, vous le savez, ça ne peut plus durer sans aller dans le mur pour tout le monde…Entre le silence et « qui ne dit mot consent », quelle est la différence. Pratiquement aucune et qui peut, à FO, consentir à la collaboration de classes et pour le corporatisme du syndicalisme intégré.
Si ce genre de signature corporatiste peut sauver la peau de l’appareil, cela peut détruire FO, qui n’est pas propriété de l’appareil : un poste de permanent syndical ne s’échange pas contre la trahison des statuts, de l’histoire sociale et syndicale des générations qui ont lutté avant nous.
C’EST POURQUOI LORS DE LA PROCHAINE CE (ET DU PROCHAIN CCN), IL EST LÉGITIME DE REVENIR SUR LA SIGNATURE DE L’ANI ET D’OBTENIR SON ANNULATION POUR SORTIR DU SOUTIEN A L’ASSOCIATION CAPITAL – TRAVAIL…CE QUI SE PRÉPARE… SI L’ON FAIT LE COMPTE DES MILITANTS QUI SE DISENT “RÉVOLUTIONNAIRES” EN DIVERSES TRADITIONS ET CEUX QUI NE SE DISENT QUE RESPECTUEUX DES STATUTS, NORMALEMENT CELA FAIT LA MAJORITÉ.
La dérive corporatiste doit impérativement être stoppée et déjà les médias se demandent : “où est passée FO ?” LA SIGNATURE DE L’ANI DE 2023 C’EST LA LIGNE ROUGE QU’IL NE FALLAIT PAS FRANCHIR, QU’IL NE FAUT JAMAIS FRANCHIR. Sinon, on n’est pas, on n’est plus FO.
UNE FOIS ANNULÉE CETTE SIGNATURE, IL SERA ENCORE ET ALORS POSSIBLE DE REVENIR AU SYNDICALISME LIBRE ET INDÉPENDANT. CELUI QUI DÉFEND NON PAS L’APPAREIL, MAIS QUI DÉFEND ET RÉALISE SON PROPRE PROGRAMME POUR LA DÉFENSE EXCLUSIVE DES INTÉRÊTS DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS ! CELUI QUI PRATIQUE, VRAIMENT, LE CONTRÔLE DU MANDAT ET LA “DÉMOCRATIE SYNDICALE” !
Les Amis de Force-Ouvrière
Avril 2023
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