Les amis de Force-Ouvrière. Bulletin n°6 – Mars 2022

Les Amis De Force-Ouvrière POUR LE RETOUR AUX FONDAMENTAUX À FO ET CONTRE LA DÉRIVE CORPORATISTE ACTUELLE

Pascal Pavageau répond aux Amis de FO :
Militants FO, Résistez, Renversez, Reconstruisez !

Pascal,

  • Jusqu’à quel point les finances de FO vont mal ?

Je ne peux répondre précisément à cette question fondamentale, n’ayant évidemment, accès à aucun élément sur les dernières années.
En juillet 2018, au lendemain de la première réunion sur les finances de la confédération depuis mon élection fin avril, je demande immédiatement qu’un audit financier soit réalisé par une expertise comptable indépendante n’ayant jamais travaillé, ni avec une organisation syndicale,  ni avec FO.
À l’époque, et j’imagine aisément que cela ne s’est pas amélioré, je comprends que le budget de FO est totalement contraint :

  • Vis-à-vis de l’externe, puisque 80% de celui-ci est dépendant de subventions publiques et du paritarisme (pour le dialogue social ou la formation).

En d’autres termes,
Les cotisations ne représentent
que 20% du budget total :
Difficile d’être « libre et indépendant »
dans de telles conditions !

  • Vis-à-vis d’une absence totale de gestion interne : personne ne s’interroge depuis des années si des aides à des structures sont encore justifiées ni pourquoi les « petites UD » qui ont besoin d’aide plus que d’autres sont si peu aidées, alors que d’autres continuent de recevoir, soi-disant parce qu’elles auraient un « poids » politique dans l’appareil FO et dans les courants qui le traversent, des subventions dont on se demande bien ce qu’elles financent réellement.

En tout cas, visiblement, pas du développement syndical… mais du développement politicien et individuel.
Soyons clairs, cela est antinomique avec tout ce que représente FO : au passage, ceux qui en bénéficient sont les premiers à donner des leçons aux adhérents en leur parlant « Charte d’Amiens » ou « Indépendance vis-à-vis de tout parti politique »
Et oui, on vous connaît les gars !

  • Il n’y a donc ni stratégie, ni politique, ni transparence sur ce budget et sa répartition, jamais en direction et entre les syndicats de base, mais juste entre l’appareil.
    Un tel audit budgétaire aurait permis, en tout cas je l’espérais, non seulement de régler une bonne fois ce qui devait l’être vis-à-vis du droit, de la légalité et des principes généraux (y compris nos propres statuts), mais aussi, et surtout de nous aider à fixer un cadre de répartition sincère, transparent et tourné vers les syndicats FO et leurs actions quotidiennes de travaux pour les travailleurs du budget confédéral.
    Un exemple qui en soi ne me semble pas problématique, que j’avais proposé :
    Pourquoi ne pas faire un marché global, national, sur les commandes des UD et FD ou des Syndicats en matière de gros matériels (photocopieuses, ordinateurs, etc.). Chacun resterait libre de l’utiliser, ou pas, d’y commander selon ses besoins et ses moyens, mais, in fine, chaque structure et collectivement la confédération y gagnerait beaucoup en efficience budgétaire sans remettre en cause la liberté des structures.
    L’audit, cela aurait été, avant tout, et peut être  des solutions pour mieux gérer FO face à des dérives internes réelles et à un budget qui ne cesse de baisser.
  • La dérive financière a quelle origine ?

La loi de 2008, la loi de 2014 (formation) ou autres…
Bien entendu, le cadre législatif n’aide pas du tout. Il est clairement là pour limiter au maximum l’expression et les actions libres des organisations syndicales, en les concentrant sur les élections professionnelles. Mais d’une part il est le même pour tous et d’autre part, il n’est pas la seule raison dans la dégringolade des adhésions et des cotisations à FO.
Mon prédécesseur indiquait publiquement que FO comptait 500 000 adhérents au départ de Marc Blondel. Admettons. Le calcul réalisé, à ma demande, en Bureau Confédéral par le Secrétaire confédéral Yves Veyrier en septembre 2018 donne une réalité bien différente : 300 000 adhérents (et dont un grand nombre est retraité, ce qui n’est évidemment pas un souci, mais pose la question du relais concret des activités des travailleurs).

200 000 adhérents perdus en 14 ans !

Le développement doit être la seule et unique priorité : retrouver une vraie indépendance financière en relayant, au plus près du terrain, les besoins des travailleurs. Or, face à un budget réduit et contraint, les « courants » de l’appareil ne s’intéressent à rien d’autre qu’à leurs propres répartitions de subventions internes sans d’ailleurs s’interroger sur à quoi elles servent en dehors de se « donner du pouvoir » en interne !

Ou encore de financer autre chose que du syndicalisme…et, encore une fois, je ne parle pas des « bonnes bouffes » entre (vieux) membres des courants de l’appareil…
À nouveau, il n’y a aucune politique de gestion du budget (ce n’est pas faute de l’avoir réclamé, avec quelques autres en BC, dont Y. Veyrier ; des années 2009 à 2018 en ce qui me concerne). Il n’y a pour eux que « maintenir les équilibres » des courants internes à FO, évidemment dans le sens et selon les petits arrangements qui vont bien aux plus « gros » pour s’assurer des réélections, y compris être, passé 78 ans, SG d’UD ?!  PLACE AUX JEUNES !

Deux données, factuelles : après ma démission en octobre 2018 face, notamment, au refus de l’audit et à l’impossibilité de mener les réformes internes que j’avais indiquées, entre autres, au congrès, et dont je continue de penser qu’elles sont essentielles pour tenter d’assurer une survie à FO (je n’ose parler ici de la gestion du bâtiment avenue du Maine ou de sa mise en conformité, ce que je découvre également en juillet 2018), il se passe deux choses :

  • La première décision de mon successeur et de ceux qui l’ont portée est d’indiquer qu’il n’y aura AUCUN audit budgétaire indépendant. Soulagement de l’intégralité de l’appareil (on ne trouve pas ce que l’on ne cherche pas…pour un temps…).
  • La chef comptable me demande en août (juste après mon annonce de l’audit en juillet et à mon retour de congés) une rupture conventionnelle, totalement inattendue. Je passe nos échanges écrits que je conserve naturellement. Je lui demande de rester pour aider à remettre sur de bons rails, rapidement, les finances de FO une fois l’audit ayant rendu ses conclusions et préconisations en début 2019. Elle refuse et maintient sa volonté de partir vite. La rupture conventionnelle est réalisée en septembre et j’annonce attendre la conclusion de l’audit pour recruter un nouveau chef comptable. Finalement, je démissionne en octobre 2018 ; mon successeur recrute une chef comptable en décembre : celle qui est partie en rupture conventionnelle à sa demande expresse 3 mois auparavant. Entre-temps, l’audit a été enterré et ne sera pas réalisé.

C’est aussi ça le sentiment
d’impunité de l’appareil !

  • Comment s’en sortir et laisser un peu d’espoir aux militants ?

Juste un mot personnel : j’assume TOUT ce que j’ai fait en tant que militant FO, comme d’ailleurs dans l’intégralité de ma vie. Y compris erreurs, bêtises et fautes. Je l’ai écrit dans un livre, je l’ai exprimé dans des médias en 2019 : il y a eu une connerie en septembre 2016,  mais il n’y a pas, il n’y a jamais eu de fichage de qui que ce soit.
C’est pourquoi, je ne démissionne pas pour ça, mais parce que je ne veux, ni ne peux assumer les dérives financières et contraires à la démocratie syndicale que j‘ai découvertes  à l’été 2018 et que l’on m’empêche de régler.
C’est à cause de l’audit que j’ai été dénoncé dans la presse sous le prétexte d’un « fichier ».
Ce que je dis en quittant le secrétariat général  à  ceux dans l’appareil qui m’empêchent de régler leurs dérives, c’est : « Non, je n’irais pas en prison en vous couvrant ! » Ça suffit, je pars, libre et indépendant je suis, libre et indépendant je reste. Et si vous me poussez à témoigner publiquement ou devant la justice, allons-y, moi j’assume TOUT. TOUT (ce qui est publié dans cette interview est public, et j’assume mes moindres propos). Et vous ?

Alors oui, aujourd’hui, le modèle est en crise, parce que le modèle est en cause. Il faut le repenser et repartir des bases, des statuts confédéraux, des syndicats, des adhérents et arriver à empêcher, ou du moins ultra limiter, l’appareil. Il n’est plus possible que quelques-uns, hommes aux âges canoniques et présents à vie, détruisent en continu l’action militante quotidienne de 300 000 adhérents. 

Il faut : 

    • Un audit (peu importe comment on l’appelle) global et indépendant proposant des pistes de solutions au CCN sur le budget confédéral, sa gestion, et permettant une vraie politique transparente de répartition des fonds aux structures, en commençant par les syndicats, c’est, je n’en démords pas, la base de tout pour repartir sur des bases correctes (les moins malsaines possibles).
    • Sur le même modèle, bâtir une stratégie confédérale pour mieux gérer tous les moyens collectifs (le siège, les locaux FD et UD et Syndicats, les matériels, les titres de transports, les remboursements de frais, etc.) : avoir une politique égalitaire de règles collectives n’empêche aucunement de conserver la liberté d’actions, de positions et de revendications des structures. Ce serait au contraire lui donner les moyens de se développer en étant source d’économie, de meilleure gestion et surtout, par la transparence, d’éviter toute dérive ou suspicion…

Casser la logique d’appareil en redonnant le pouvoir au CCN dont les représentants doivent agir SUR MANDAT de leurs syndicats.

    • Je reste favorable à la limitation du nombre de mandats pour un SG de structure UD, FD et bien sûr BC (2 voire 3) : il faut arrêter avec ce mandat à vie des membres de l’appareil. Une fois élu, leur seule préoccupation est d’être réélu et in fine de pouvoir aller jusqu’à la retraite, voire au-delà pour profiter des avantages offerts via FO. Cela doit s’accompagner, comme cela se fait correctement dans le public, d’un suivi, d’une vraie VAE syndicale dans le privé et permettre à quelqu’un, y compris jeune, de donner quelques années au syndicat, en sachant qu’il reprendra son travail dans un, deux voire trois mandats. 10 ans SG d’une structure, c’est  déjà beaucoup… FO ne peut être leur carrière et leur gagne-pain. Cela doit rester leur engagement : ce qui n’interdit en rien de militer toute sa vie !
    • Cibler le moindre centime, le moindre moyen sur le développement syndical en remettant les syndiqués au cœur du fonctionnement des syndicats afin d’échapper au piège de l’électoralisme qui tuera inexorablement le syndicalisme de revendications. D’où la nécessité de simplifier l’accès à l’adhésion et au règlement des cotisations.

Bref, repartir des fondamentaux : nos statuts, nos structures, nos adhérents, notre indépendance, et les intérêts matériels et moraux des travailleurs (pas uniquement salariés désormais).

    • Par la transparence interne, retrouver une vraie démocratie syndicale donnant envie à des actifs, y compris femmes, jeunes, LGBT, travailleurs détachés, « ubérisés », etc. de venir militer, apporter leurs expériences et s’investir librement en comprenant qu’on laisse ses autres engagements , politiciens et intérêts personnels, au porte-manteau de la salle de réunion syndicale FO.

Soit la base militante renverse la table et reconstruit sur les valeurs et principes historiques de FO, soit l’hémorragie d’adhésions va s’amplifier avec un autre phénomène, celui du départ de syndicats ou responsables vers d’autres structures syndicales moins gangrenées (en apparence du moins).

Lorsque des journalistes relatent qu’un candidat potentiel au poste de SG (FS pour ne pas le nommer avec l’appui d’une alliance contre nature Métaux-POI) de la confédération reçoit des compliments de responsables d’une autre confédération, basée à Montreuil, je ne peux m’empêcher de penser que cette dernière pense y trouver un intérêt en se préparant à accueillir qui voudra quitter FO.

J’ai la plus grande admiration et le plus profond respect pour les 300 000 adhérents de FO : vous êtes juste sincèrement formidables et non seulement vous devez combattre au quotidien un patronat, des politiques d’un autre temps, un ultra libéralisme sauvage et tueur, mais, en plus, le premier obstacle qui est devant vous est votre propre appareil.

Aujourd’hui, vous avez le choix : baisser les yeux et les épaules, ou bien, excusez-moi de le rappeler, avec cet adage qui est MIEN : 

RENVERSEZ LA TABLE,
Battez-vous pour vos droits,
votre respect, votre action,
Les statuts que des personnes
extraordinaires ont voulus en 1947,
Les travailleurs que vous
défendez chaque jour.
RÉSISTEZ,  RENVERSEZ,  RECONSTRUISEZ !

Les Amis de Force-Ouvrière,
Mars 2022

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