L’Anarcho-Syndicaliste n° 225 – Juillet 2021

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N° 225 – Juillet 2021 – Le numéro : 2 €


En guise d’édito

Après le joli mois de mai, le mois de juin fini, voici le mois des moissons et pour cette année, mois de la libération du carcan sanitaire (en sursis).

Ce mois de mai a vu aussi la réunion du CCN de la CGT FO. Une résolution générale, que certains participants ont qualifiée de lutte de classe, a été prise à l’unanimité !!!

L’adoption de cette résolution à l’unanimité ne suffit pas pour dire qu’elle est le fruit de la démocratie syndicale, bien au contraire.

Il ne suffit pas d’affirmer que le fonctionnement de la confédération respecte la démocratie syndicale, pas plus que de prétendre au respect des statuts pour que ce soit le cas.

Il faut rappeler quelques principes :

  • La confédération n’est pas une structure pyramidale dont le sommet, le Secrétaire Général et le bureau déterminent les orientations et dont les structures Unions Départementales, Fédérations, Syndicats Nationaux et Syndicats seraient chargés d’en assurer la parfaite application.
    Le principe de fonctionnement de notre confédération n’est pas celui de la  subsidiarité mais du fédéralisme et de la liberté. La confédération doit assurer et respecter la complète autonomie des organisations qui se conforment aux statuts. Dire, par exemple, que les secrétaires des UD sont les préfets de la confédération, comme le font certains bureaucrates à tous niveaux, n’est pas seulement une idiotie mais surtout revient à violer les statuts confédéraux.
  • Chaque UD, chaque Fédération est  libre de s’organiser en respectant également ses principes vis-à-vis des syndicats et sections syndicales de son périmètre. Ceux-ci doivent également en faire autant et laisser toute liberté aux adhérents d’adhérer à toute association ou parti politique en dehors de l’organisation syndicale ( charte d’Amiens).
  • Par contre : « Les syndicats Force-Ouvrière placent au-dessus de toutes considérations partisanes leur souci supérieur de puissance et de cohésion du syndicalisme ouvrier.
    Instruits par une douloureuse expérience, ils proclament attentatoire à l’unité ouvrière la recherche systématique de postes à responsabilité syndicale par les militants de partis politiques en vue de faire du mouvement syndical un instrument des partis » (préambule des statuts confédéraux).
  • La loi c’est « l’indépendance vis-à-vis de tous partis politiques dont l’objectif est par nature la conquête de l’État et l’affermissement de ses privilèges, l’organisation syndicale réalisera son programme et ses perspectives en toute indépendance » (préambule des statuts confédéraux).

Qu’en est-il aujourd’hui au sein de la confédération FO et des autres confédérations syndicales ? 

Autant dire tout de suite, que sur l’échiquier syndical français Force Ouvrière est la seule organisation à avoir mis en principe premier, dans son préambule et dans ses statuts, le respect de la résolution, dite Charte d’Amiens, du 9ème congrès de la CGT en 1906, et l’avoir mis en pratique depuis sa création.

Mais à Force Ouvrière, il y a bien longtemps que, petit à petit, ce principe et ces obligations sont violés.

Qui dirige la confédération CGT FO ? 

L’instance politique souveraine de la confédération, des UD et des Fédérations est le congrès des syndicats et pour les syndicats, les assemblées générales. Les congrès, les assemblées générales, sont souverains. Aucun n’est supérieur aux autres si les règles et principes fondamentaux ont été respectés lors des votes à ces congrès ou assemblées.

Ainsi une UD, une Fédération, lors de leur congrès, peuvent voter des résolutions générales en opposition avec d’autres structures, y compris le congrès confédéral. L’obligation absolue, stricte, faite à toutes les structures, c’est de ne contenir aucune disposition contraire aux statuts confédéraux.

Cette remarque n’est pas théorique, la confédération a déjà connu des périodes où des militants, où des structures étaient en opposition avec la confédération : «Blondel contre Bergeron, UD de Paris Jacques Mairé, fédération PTT avec Le Mercier, agriculture avec Michel Huc… Et plus récemment la fédération de la métallurgie sur la loi Aubry, la rupture conventionnelle, la loi sur la représentativité de 2008, etc…

Les Congrès sont souverains et entre deux congrès, le CCN (comité confédéral national) administre la CGT FO. Le CCN est constitué par un délégué de chaque fédération nationale et chaque union départementale adhérente représentée par un délégué (2 pour la fédération des SPS).

Le rôle du CCN est essentiel puisque c’est lui qui est chargé de piloter l’action confédérale et de faire aboutir des revendications exprimées et votées par le congrès.

Pour que les membres du CCN puissent assurer leur mandat, il est indispensable qu’ils soient libres et indépendants vis à vis  de la confédération, afin que leurs prises de position ne soient pas aliénées ou confisquées par le Bureau Confédéral FO.

Qu’en est il ?

Poser la question c’est déjà préparer la réponse : ils ne sont pas libres !!!

Mais pire, c’est tout l’inverse. Bien sûr, objecteront certains, il y a toujours dans le fonctionnement des organisations de petites ou de moyennes digressions qui doivent être exceptionnelles et évoquées en CCN pour éviter toute dérive permanente.

Or, avec les mandats de Jean Claude Mailly puis Yves Veyrier la dérive est très grave et permanente, pire elle est sans réaction aucune du CCN, celui-ci apparaît comme totalement anesthésié voir même validant la dérive cédétiste. Mailly (aujourd’hui commis de Soubie) avec la loi travail El Khomry, sa soumission active au gouvernement et sa participation directe à la rédaction des textes de lois s’est heurté à la résistance de nombreuses UD et Fédérations qui a abouti à un vote de rapport d’activité, une premières de l’histoire de FO.

Pascal Pavageau élu au congrès de Lille avec une résolution générale de revendications et de lutte a été liquidé sur la base de révélation d’un « fichier », de menaces et des pressions exercées directement sur sa personne et ses proches. Il a été contraint de démissionner sous la pression d’Yves Veyrier, Raguin, Homez et autres membres du bureau. Un directoire auto-proclamé « comité de pilotage » (totalement hors statut) a pris l’initiative des procédures d’intronisation de Veyrier en qualité de secrétaire général et ceci dans une pure application de la stratégie du choc.

Pour mémoire lors de ce CCN de Novembre 2018 : trois candidat étaient en lice : Veyrier soutenu par Homez (courant syndicalisme d’accompagnement), Christian Grolier, fédération des Fonctionnaires (courant troskistes), Patrice Clos, Fédération des Transports (Chartre d’Amiens).

Les deux courants majoritaires ont tellement verrouillé le scrutin, qu’ils l’ont imposé aux membres respectifs de leur courant, en dépit des positions de leurs structures.

Ce qui a abouti à un score à une voix de différence au bénéfice de Veyrier sur Grolier.

Patrice Clos loin derrière, a été lâché par de nombreux membres du CCN.

Depuis ce CCN, Grolier a postulé au bureau confédéral … il n’a pas été retenu ! L’union autour de Veyrier transcende les divergences, les oppositions : Accompagnement ou Lutte de classe ? … l’Unité du Directoire est plus forte.

Le trio Veyrier/Raguin/Homez est toujours aux commandes.

L’orientation revendicative du Congrès de Lille est devenue collaboration,  accompagnement.

Comment cela a-t-il été possible et comment cela peut-il continuer et s’accentuer ?

Aujourd’hui, les opposants, ex-majoritaires au Congrès de Lille, sont acculés à se taire ou subissent des pressions telles qu’ils sont poussés soit à la démission soit écartés avec « violence ».

La réponse est simple : la commission exécutive confédérale est majoritairement composée de membres divisés en deux blocs compacts et disciplinés : POI et apparentés d’une part, syndicalisme d’accompagnement Fédérations des métaux, de la Pharmacie, de la Défense …d’autre part.
Ces groupes, se présentant comme opposés, voire adversaires, s’entendent comme larrons en foire, se retrouvent, « entre amis », lors de dîners « préparatoires » du CCN,  valident et amplifient la dérive cédétiste de la confédération FO.

Pourquoi ?

Là nous quittons le terrain du syndicalisme « de la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs », car il s’agit de la répartition des mandats, des délégations, des détachement syndicaux, le financement de telle ou telle structure et autres financement divers et variés, etc … C’est ce qui a poussé Pascal Pavageau à demander au CCN de septembre 2018, au regard de la gravité de la situation financière ou des opérations financières à venir, de procéder à un audit des comptes de la confédération FO, du CFMS et de l’AFIP.

Cette exigence  a entraîné l’éviction de Pavageau, après qu’il avait refusé l’injonction de Homez, Raguin, Veyrier : « tu laisses tomber cette expertise, tu t’en tiens à ton rôle de secrétaire général revendicatif et tu nous laisses nous occuper de la gestion et des finances de la confédération ». 

Ne pas se soumettre à cet ultimatum a entraîné sa chute.

Mais pourquoi cette situation est-elle possible ?

Tout simplement parce que le fonctionnement des instances de la confédération, et tout particulièrement celui du CCN, sont défectueux, ne sont plus libres et indépendants.
Explications:
Depuis 2008, c’est-à-dire la loi sur la représentativité syndicale, les règles de droit sont passées de la loi Waldeck Rousseau à la loi d’encadrement administratif et financière.
Ainsi les élections du personnel déterminent les possibilités de désignations des délégués syndicaux, c’est-à-dire que les désignations des délégués syndicaux sont assujetties aux résultats du vote de salariés non syndiqués, et donc directement sous la pression, la subordination directe ou indirecte de leurs employeurs ou des « syndicats » en place qui  officient pour le patronat. Toutes les désignations de représentants syndicaux dans quelque organisme « paritaire » que ce soit, sont effectuées au prorata des résultats aux élections professionnelles.

De plus les règles de financement des organisations syndicales ont été bouleversées, des obligations de gestion  très contraignantes ont été mises en place. Le législateur, par cette loi,  a imposé aux organisations syndicales une centralisation des financements par la Confédération et par les Fédérations. Ainsi selon l’adage « qui paie commande » celles-ci ont pris le pouvoir financier et donc le pouvoir politique au niveau des structures.

Les secrétaires d’UD ou Fédérations qui ne se plient pas aux injonctions et n’approuvent pas l’orientation du bureau confédéral sont mis en difficulté (subventions supprimées ou réduites et/ou détachement syndical supprimé).

Liberté indépendance perdue. Ce n’est pas  une fiction, mais la cruelle réalité.

Question ? Comment est-il possible de cacher tout cela ? 

Tout le monde se gausse des conclaves pontificaux qui se tiennent dans le plus grand secret, mais c’est ce qui se passe au CCN de FO : (Omerta totale).

Le CCN se réunit et seuls les membres du bureau de la commission exécutive confédérale, les secrétaires d’ UD et de Fédérations ont le droit de participer et d’assister aux travaux, portes closes et agents de sécurité aux entrées.

Contrairement aux réunions d’assemblées, telles conseils municipaux, conseils régionaux assemblée nationale, Sénat, Ceser, etc, … Aucun public n’est admis comme observateur au CCN, aucune diffusion médiatique pour suivre les travaux.

Les interventions des participants, de tous les participants, sont pris en note par des sténotypistes mais ne sont pas diffusées et ceci depuis la fin des années 1960, seul le secrétaire général en prend connaissance.

Les débats en commission sont totalement secrets. Mais pire, les votes en commissions et le vote de résolution général en séance plénière ne font l’objet d’aucune procédure de dépouillement, les votes « se font à la louche », c’est-à-dire à main levée sans bordereau de vote (il s’agit pourtant d’un vote par mandat), et quelque soit le nombre de membres présents : il est donc impossible de savoir combien ont voté, qui a voté pour qui, qui a voté pour ou contre.

Aucun contrôle du mandat n’est donc possible ! démocratie bien opaque !!!

Les votes de l’Assemblée nationale à 10 ou 15 participants à 3h du matin choquent les citoyens. Alors, que penser des votes au CCN, avec un nombre indéterminé de secrétaires d’UD et/ou de Fédération partis prendre train ou avion pour rentrer chez eux… ?

Ainsi lors du dernier CCN des 27 et 28 mai, dès 17 heures, heure habituelle de la fin des sessions, des membres quittent la salle, le vote n’ayant lieu que beaucoup plus tard. Qui était encore présent ? Éventuellement ceux qui avaient été avertis à l’avance de l’heure tardive programmée pour le vote, ou des camarades déterminés.

La question se pose : qu’est-ce que le respect du mandat? 

Bien sûr, la prise de parole en fait partie puisqu’elle annonce la position de son UD ou de sa Fédération… mais le mandat n’est vraiment respecté que si l’on tient cette position jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’au vote. Si l’on se bat pour obtenir dans la rédaction de la résolution générale un texte qui correspond à la position de son UD ou de sa Fédération, y compris, comme je l’ai vu et pratiqué il y a déjà bien longtemps à plusieurs reprises, rédiger un amendement à la résolution générale, le présenter en commission et, en cas de vote contre, demander que cet  amendement soit présenté pour vote en séance plénière .

Mais aujourd’hui le texte présenté en commission, est le fruit d’une rencontre préalable en dîner entre le Secrétaire Général, Y.Veyrier, et les représentants des deux tendances majoritaires – d’une part, les adeptes du dialogue social et du syndicalisme d’accompagnement ; et d’autre part, les trotskistes censés défendre le syndicalisme de classe et la Charte d’Amiens et responsables du Parti.

Cela peut paraître anecdotique, mais la symbolique est puissante : l’ intervention du Secrétaire Général ouvre le CCN, et le cycle des interventions se clôture  par celles des deux courants majoritaires – Hubert Raguin, suivi de Homez (ou vice versa). Fermez le ban.
Dieu ne joue pas aux dés et l’ordre des interventions n’est pas le fruit du hasard !!!

La pression qui s’exerce sur (ou  par ?) la confédération, et par conséquent sur les secrétaires d’UD et de Fédération, les poussent et imposent même aux secrétaires d’UD et de Fédé à « la jouer discrète » pour se protéger du « retour de manivelle ».

L’avenir du syndicalisme libre et indépendant incarné par FO est en danger grave, danger externe et interne, surtout interne.

Le triumvirat qui « gère » nous mène à la liquidation totale. Il nous faut donc Identifier, démystifier les acteurs et leur connivence et engager dès à présent le débat sur le prochain congrès de la CGT-Force Ouvrière qui aura lieu à Rouen en 2022.

Le Congrès Confédéral est celui des syndicats ! 

Donc il faut que les syndicats prennent en main l’avenir de la confédération, confisqué pour l’instant par des bureaucrates, et dans un premier temps prennent leurs dispositions pour assister au congrès, qu’ils ne confient pas leur vote aux porteurs de drapeau et aux autorités syndicales officielles qui ne vont pas manquer de faire la chasse aux mandats pour le prochain congrès.

Il faut donc engager dès à présent la discussion sur le rapport de trésorerie ( demander la mise en place d’un audit financier de la Conf, CFMS, AFIP par un organisme indépendant) et comme pour Mailly, sur le rapport d’activité, présenté par Veyrier au nom du triumvirat,  tirer les conséquences de la dérive Cédétiste de la confédération, à défaut se préparer à faire le deuil de notre liberté et indépendance.

Il faut préparer les modifications des règles de fonctionnement et exiger entre autre la publication des actes des réunions, Commission Exécutive, CCN.
C’est le travail qui nous attend au cours des prochains mois.

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L’état catastrophique de notre prétendue «démocratie syndicale» et l’urgence de reprendre le relais de nos anciens : Robert Bothereau, Léon Jouhaux, Bergeron, Blondel, et de tant d’autres camarades, m’amène à vous conseiller la lecture du livre de notre camarade Gérard Da Silva sur Robert Bothereau.

Après avoir écrit un Livre sur notre camarade Louis Blanc  (à lire également), il a repris la plume et a écrit le premier livre sur Robert Bothereau, artisan majeur de la scission et de la création de la Cgt–Force Ouvrière.

Revenir aux fondamentaux est une nécessité, lire et organiser des réunions-débat sur ces livres avec son auteur est opportun et est une démarche plus que raisonnable et partagée par des camarades de sensibilités diverses, comme au « bon vieux temps » des camarades militants Syndicalistes Libres et Indépendants Cgt-Force Ouvrière, Résistance Ouvrière.

Le 30 juin, Marc Hébert

Le sort des travailleurs
ne se joue pas à PILE ou FACE

Après l’échec de négociations en 2018 avec les principaux syndicats de travailleurs et d’employeurs, le Gouvernement a pris le décret du 26 juillet 2019 qui redéfinit le régime d’assurance-chômage. À la suite de son annulation partielle par le Conseil d’État en novembre 2020, un nouveau décret du 30 mars 2021 reprend, en les amendant, les dispositions relatives au mode de calcul de l’allocation chômage et à la contribution des employeurs. Plusieurs syndicats, dont la CFDT, la CGT, FO, l’UNSA, la FSU, la CFE-CGC et l’Union syndicale Solidaire, ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre ce décret.

Par un communiqué du 15 avril 2021, la CFDT déclarait : « Une analyse du décret du 30 mars 2021 fixant les nouvelles règles relatives à l’assurance chômage fait apparaître plusieurs points de contestation possibles. Les nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence pourront conduire à une inégalité de traitement entre deux demandeurs d’emploi ayant travaillé le même nombre d’heures mais selon un rythme différent. Par ailleurs, il existe – entre autres – un risque de discrimination indirecte au détriment des salariés en arrêt maladie, en congé parental ou placés en activité partielle pendant la crise, qui percevront, du fait de ces périodes, des allocations moindres. »

Dans un communiqué du même jour, FO déclarait : « toujours contestée par les confédérations et révélant ses effets nocifs pour les plus fragiles (dont les femmes, salariés subissant l’activité partielle, salariés en emplois précaires), cette réforme doit être définitivement remisée. »

Le Conseil d’État, PILE, c’est gagné :

Et le Conseil d’État vient de retoquer sinon la contre-réforme du gouvernement, du moins son mécanisme. C’est que la réforme prévoit de différer au 1er septembre 2022 la mise en œuvre du système de bonus-malus pour les cotisations dues par les employeurs, prétextant  des incertitudes sur l’évolution de la situation économique et du marché du travail. Mais pas pour  les nouvelles règles de calcul pour les salariés, alors que les « incertitudes » sont aussi évidentes, censées s’appliquer  dès le 1er juillet prochain. La juge des référés a donc considéré  comme sérieuse la contestation portant sur l’erreur manifeste d’appréciation. Donc l’application des nouvelles règles de calcul des allocations à compter du 1er juillet 2021 est suspendue. Les recours « au fond » des syndicats contre le décret réformant l’assurance-chômage seront jugés par le Conseil d’État d’ici quelques mois.

Le décret du Conseil D’État indique en particulier : « – le décret méconnaît les principes d’égalité et de non-discrimination, dès lors que le mécanisme de plafonnement introduit dans la formule de calcul du salaire journalier de référence ne suffit pas à corriger les différences de traitement manifestement disproportionnées entre allocataires ; 

– il méconnaît le principe d’égalité en ce que la neutralisation des périodes de rémunération réduite, dans la formule de calcul du salaire journalier de référence, conduit à pénaliser les demandeurs d’emploi concernés ; 

– il méconnaît le principe d’égalité en ce que les règles relatives aux différés d’indemnisation introduisent une différence de traitement manifestement disproportionnée entre, d’une part, les allocataires ayant pu prendre leurs congés payés au cours de la période d’emploi et, d’autre part, ceux qui auront perçu une indemnité compensatrice de congés payés versée en fin de contrat ;

– la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence conduit à discriminer de manière indirecte les femmes. »

Ainsi c’est  l’égalité devant la loi qui est bafouée. Elle introduit une inégalité structurelle dans le mode de calcul et vise à « pénaliser les demandeurs d’emploi ».

Mais encore, la juge refuse la dégressivité, fétiche de l’extrême droite libérale, depuis Reagan, pour punir les chômeurs et les faire plonger dans la misère. Il est dit du texte gouvernemental:

« il est entaché d’erreur manifeste d’appréciation en ce que la règle de la dégressivité apparaît manifestement inadéquate pour atteindre l’objectif poursuivi, compte tenu notamment du taux de remplacement des cadres visés par la mesure ;

– il est entaché d’erreur de droit en ce que les nouvelles règles sur la modulation de la contribution des employeurs à l’assurance chômage créent entre les entreprises une rupture d’égalité qui n’est pas en relation directe avec l’objectif d’intérêt général poursuivi par le décret et qui est manifestement disproportionnée à cet objectif ;

– il est entaché d’erreur de droit dès lors que les allocataires qui vont se voir imposer une réduction de leur salaire journalier de référence, verront leur différé d’indemnisation augmenter ;

– le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le dispositif de modulation des contributions des employeurs à l’assurance chômage pouvait contribuer à réduire le recours aux contrats courts dès lors que les entreprises qui vont subir le malus ne sont pas nécessairement celles qui recourent le plus aux contrats courts et que ce mécanisme dépend de paramètres que les entreprises ne maîtrisent pas. »

L’argument de tartuffe du gouvernement, son apport prétendument « social », la baisse des contrats courts (qu’il a tout fait pour les encourager) est également réfuté.

On ne peut que se féliciter d’une décision aussi argumentée et qui enlève le masque d’un gouvernement ouvertement favorable aux patrons (mis à contribution en 2022), implacable et injuste envers les salariés les plus précaires, dès le 1er juillet 2021.

Mais est-ce  une victoire dont les organisations syndicales peuvent se prévaloir ? En fait, on se souvient que le Conseil d’État a déjà rendu, en janvier 2020, un avis fort critique contre la retraite par points, alors que le gouvernement le sommait de rendre un avis favorable, en quelques semaines. Il en est de même cette fois-ci. Le gouvernement Macron, ne tenant aucun compte de l’avis du Conseil d’état de l’an passé, proposait la même mouture, à peine corrigée. Ce qui revenait à se payer la tête du Conseil d’État, comme en janvier 2020. Ce que cette institution conservatrice, venue de la monarchie et nullement nécessaire en République, n’apprécie jamais.  Comme en janvier 2020, le Conseil d’Etat a fait savoir, en juin 2021, qu’il n’est pas « à la botte » et au bon vouloir gouvernemental. Le Conseil constitutionnel pourrait en tenir compte.

Le Conseil d’État, FACE, c’est perdu :

Pour autant, est-ce le mandat des organisations syndicales de mettre le sort des travailleurs entre les mains du Conseil d’État ? Ce mandat se réduirait-il à faire du « juridisme » ? En ce cas, le risque est grand. D’une part, c’est, depuis toujours, la constitution d’un rapport de force contre le gouvernement, en l’occurrence, par l’unité d’action et la mobilisation de masse qui est de bonne pratique militante. Car s’en remettre au Conseil d’État, c’est la « roulette russe », pile ou face. Et si la juge du Conseil en avait décidé autrement, tant les arguments juridiques peuvent faire l’objet de bien des exposés « selon que vous serez puissant ou misérable », ou selon que le gouvernement est fort ou faible…Le juridisme, c’est le moyen habituel du syndicalisme d’accompagnement.

D’autre part, la question s’est posée récemment avec le recours de FO (de concert à nouveau avec la CFDT) devant le Conseil d’État, à propos des congés des agents de l’État. Sur le papier, le Conseil d’État ne pouvait pas ne pas donner raison aux deux organisations syndicales.

Dans la pratique cela a donné le résultat suivant, disponible sur un site d’avocats :

« Le syndicat FO contestait l’ordonnance du 15 avril 2020 aux motifs qu’en permettant de placer d’office certains agents de l’État en congés annuels à des dates fixées unilatéralement, elle porterait une atteinte grave au droit au respect de la vie privée, notamment faute pour le législateur d’avoir habilité le Gouvernement à fixer les règles relatives aux congés des agents publics. Et de fait, le juge des référés reconnaît que les dispositions de la loi du 23 mars 2020 habilitent le Gouvernement, s’agissant de la fonction publique, à prendre toute mesure permettant d’imposer ou de modifier unilatéralement, y compris de manière rétroactive, les dates des jours de réduction du temps de travail et non les dates des congés annuels. Le président de la République n’était donc pas habilité par la loi du 23 mars 2020 pour prendre ladite ordonnance (du moins les dispositions litigieuses). » 

La suspension de l’exécution des dispositions contestées de l’ordonnance semblait inéluctable.

Cependant, le Conseil d’État a procédé à une substitution de base légale comme le permet la jurisprudence (par ex. : CE Sect., 27 janvier 1961, Daunizeau, rec. 57). Tout en reconnaissant que l’article 34 donne compétence au seul législateur pour fixer les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires » et que, par conséquent, il lui appartient d’instituer les différents droits à congés des fonctionnaires de l’État, il considère qu’en revanche, le Parlement n’est pas compétent pour légiférer sur les autres éléments du régime des congés, en particulier sur les périodes au cours desquelles les congés annuels peuvent être pris ainsi que la possibilité de ne pas tenir compte, à cet égard des demandes des agents au regard des nécessités du service. Autrement dit, ces matières relèvent du domaine du règlement. La conclusion du juge des référés selon laquelle le Président de la République était dès lors compétent pourrait alors surprendre. Bien que la décision ne soit pas explicite sur ce point, elle repose sur l’article 13 non cité de la Constitution qui dispose que les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres sont signés par le Président de la République. Or, en vertu d’une jurisprudence constante, le Président de la République est compétent pour signer de tels textes par la seule circonstance qu’ils sont délibérés en Conseil des Ministres quand bien même le Premier ministre tiendrait des articles 21 et 37 de la Constitution la compétence pour édicter les mesures réglementaires qu’ils contiennent (s’agissant des décrets : CE, 10 septembre 1992, Meyet, Rec. 327 ; CE, 9 septembre 1996, Collas, Rec.347 ; CE, 19 juin 2013, M. C., req. n° 356248) . »

C’est bien comme la « roulette russe ». Une fois tu gagnes, une fois tu perds…Et pourtant la seconde cause, retoquée, était aussi bonne que la première, acceptée !

C’est dire qu’il est illusoire et infondé de privilégier le syndicalisme que pratique la CFDT à FO. Blondel ne s’est pas tourné, en 1995, vers le Conseil d’État, pas plus que Bergeron, Bothereau et Jouhaux ! Non pas que cela soit impraticable en soi. Il faut savoir user de ce genre de moyen, aussi…Mais ce n’est pas une fin en soi pour le syndicalisme indépendant. C’est mettre sa confiance dans une institution, le Conseil d’État, historiquement réactionnaire. C’est privilégier le juridisme. Ce qui n’a jamais été la doctrine du syndicalisme libre et indépendant, le syndicalisme de la Charte d’Amiens.

Il convient de privilégier l’unité d’action par la mobilisation contre la destruction des acquis, laquelle va se poursuivre si le rapport de force n’est pas établi. D’autant que, sur ce sujet, ce gouvernement, comme d’autres (et dans le contexte « européen » de liquidation des acquis sociaux) ne va pas  manquer de revenir à la charge. Il faudra bien alors, d’une part cesser de signer des textes de « diagnostic partagé » défavorables aux travailleurs (télétravail du 26/11/2020) et revenir au programme de revendications sociales pour porter l’action et la mobilisation, pour lutter pour l’émancipation.

Gérard da Silva, 27 juin 2021

Brèves syndicales

Dès qu’il nous est nécessaire d’acquérir un véhicule ou une maison, nous sommes confrontés à l’estimation de leur valeur et des plus-values éventuelles liées aux contextes du marché actuel. Une sorte de bourse, en quelques sorte.

Nous connaissons de par notre présence dans les instances représentatives dans les entreprises, la valeur que le patronat donne au « coût » du travail. Cette estimation de la valeur d’un travailleur se compose de son salaire et des cotisations salariales et patronales. Par exemple, un éducateur spécialisé avec plus d’une dizaine d’années d’ancienneté, vaut – ou coûte – 50000€ par an. Le capitalisme ne s’embarrasse pas de subtilités philosophiques, un sou est un sou, qu’il s’agisse d’un objet ou d’un humain.

Et savez-vous combien vaut un syndicaliste ?

Un vrai, un de ceux qui en découd avec le patronat qu’il combat pied à pied comme dans les tranchées. Non pas un syndicaliste d’opérette qui pratique la concertation, … Quoique cela nous coûte un bras, aussi, …

75000€ ! C’est la somme qu’a versé un patron dans le département de l’Ain pour engager un contrat pour l’assassinat de son représentant syndical élu au CSE, comité social et économique, instance représentative au sein de l’entreprise.

L’organisation syndicale où adhère ce militant, s’est portée partie civile après avoir été convaincue par les enquêteurs de police de la réalité des faits.

Bon, la police dans ce cas effectue le travail qui lui est propre, et plus approprié que de gazer, meurtrir, en poursuivant des jeunes, parfois mineurs, qui n’avaient qu’une envie c’est de se réunir pour faire la fête, que ce soit à Paris ou à Redon.

75000€, c’est pas cher pour une vie de galérien !

Une autre brève …

En 2015, j’ai souvenir qu’un petit nombre d’unions départementales s’était ému, à juste titre du dézingage de René Michoulier, secrétaire général de l’UD du Doubs. Ce « lessivage » avait écarté un grand nombre de militants qui du jour au lendemain se sont retrouvé à la rue, sans bureau, sans matériel et ni accès à leurs archives.

Un autre grand « nettoyage », s’est produit dans le Finistère, avec les mêmes conséquences, … la destruction de toute une organisation de travailleurs en syndicats, …

Sans trop d’émotions cette fois, cela deviendrait-il une habitude ?

Pour l’UD de la Vienne, aucune information fiable ne filtre, … ont-ils du mal à passer la première, la quatrième, une marche arrière ou une « en avant marche » ??

Nous savons qu’un syndicat composé de cheminots, radié par sa fédération, demandent ses cartes à la FNAS, fédération nationale de l’action sociale,  première de la liste. Voilà des militants syndicalistes qui semblent égarés dans les méandres de l’organisation syndicale FO et qui ne pourront ni prendre la parole, ni voter au prochain Congrès confédéral s’ils ne sont pas fédérés. À cela s’ajoutent une grève de la faim du secrétaire général de cette UD, des commissions de conflits départementales et confédérales, …

L’UD de la Vienne fait appel de la décision de la commission des conflits confédérale, et les membres du dernier CCN, commission confédérale nationale, s’entendent pour le lui refuser, sauf quatre, dont le SG FNAS qui respecte le mandat donné au cours d’un bureau fédéral qui se résume : dans le doute s’abstenir de porter un jugement.

« Hors de l’église, point de saluts ! » Cela résume les conditions des militants syndicalistes qui ne sont pas dans la mouvance bien-pensante des « assis » de la hiérarchie syndicale. Rappelons, ici, que ce genre de procédé d’exclusion stigmatisant ouvre grand les dérives de type corporatistes.

Et où l’on retrouve des cheminots et une exécutrice des basses œuvres dans le Doubs, …

Ceux qui étaient au Congrès confédéral de Lille en avril 2018, se souviennent de Frédéric Vuillaume. Le camarade du Doubs, surpris par la grève des cheminots, fit sa demande de prise de parole avec 10 minutes de retard. Michel Biaggi, chargée des mandats, opposa un refus ferme et stupide. Vous vous souvenez, c’est la secrétaire confédérale qui terrorisait les secrétaires d’UD et lorsqu’elle annonçait sa venue, ils faisaient le ménage en cachant les balayures sous les tapis !

Je me suis laissée dire, par un ancien confédéral, que : « Souvent Biaggi s’asseyait sur les statuts, et comme elle avait un gros cul, on ne les voyait plus ! »

Bon, y’a prescription, donc pas de harcèlement sexuel, mais uniquement un délitement statutaire !

Bref, depuis novembre 2018, Frédéric a subi 7 gardes à vue, 1 perquisition avec saisie de son ordinateur personnel et de son téléphone portable qui ne lui ont jamais été rendus, 4 procès en correctionnel, tous gagnés, 12 amendes à 135 euros, 6 convocations au tribunal de police.

Le 20 mai 2021, à son dernier procès, il est soutenu par l’association Amnesty international, dont les critères de sélection sont extrêmement sérieux.

J’ai entendu quelques hésitations dans le soutien apporté, … une certaine mollesse dans la spontanéité syndicale, …

Des esprits chagrins le voyaient affublé d’un gilet JAUNE et porteur de « mortiers » (pétards) !

Je les rassure et ils peuvent toujours lui transmettre leur soutiens « posthumes » – il a été arrêté au cours de manifestations Force-Ouvrière, et il portait un gilet ROUGE !

Ces détails ne sont pas innocents ! Qu’on se le dise !

Actualités …

La Réforme de l’Assurance Chômage décidée par décret en juillet 2019, dont la date de mise en application reportée au 1 juillet 2021 par le décret du 30 mars 2021, est retoquée par le Conseil d’État.

Nous sommes sursitaires ! Rien n’est acquis.

Dans l’histoire du monde du travail, nous avons toujours gagné des avancées, uniquement par le rapport de force et en bloquant toute activité dans le pays.

Les instances gouvernementales, la justice ne sont que des pis-aller et non-pas les moyens de lutte de la classe ouvrière !

Un petit rappel : 37,5, c’est la bonne température, à taux plein et à 60 ans ! 

GRÈVE GÉNÉRALE !!!

Christine, le 28 juin

Hypnotisés par les élections

Pendant que beaucoup étaient hypnotisés par les élections départementales et régionales, en pensant évidement aux présidentielles, le pouvoir en place continue sa destruction de tout ce qui fait société.

Après avoir essayé de mettre en place la « réforme » de l’assurance chômage et tenté de relancer la « réforme » des retraites, le gouvernement avec sa fameuse loi de « la transformation de la fonction publique », promulguée le 6 août 2019,  a prévu de casser le statut du fonctionnaire pour y introduire plus de recours aux CDD, contrats à durée déterminée et aux CDI, contrats à durée indéterminée. Ces contrats sont propres au secteur privé.

Cette loi que, pour l’instant, peu de collectivités ont osé mettre en  application pour des raisons purement électoralistes, est une attaque sans précédent au statut de fonctionnaire et va dénaturer totalement l’esprit du service public qui est garant de cohésion sociale.

La première attaque se porte actuellement sur le temps de travail des agents de la fonction publique. Le gouvernement, dans sa loi, oblige les collectivités à annualiser le temps de travail à 1607h, alors que beaucoup d’agents faisaient moins car leurs conditions de travail étaient jugées très difficiles et ces dérogations étaient souvent l’aboutissement d’un rapport de force entre les agents et leurs employeurs.

Plusieurs semaines de congés vont ou ont été retirées à ces hommes et ces femmes qui travaillent le matin très tôt, qui ont bien souvent des horaires décalés, qui font des métiers physiques, difficiles et ingrats, qui travaillent en moyenne plus de 40h hebdomadaire.

Mais dans cette loi, les conquis sociaux vont être réduit drastiquement : moins de droits, pour les agents, concernant les aléas de la vie, disparition de certaines instances représentatives comme les Commissions Administratives Paritaires qui décidaient des avancées de grades et d’échelons des agents avec les organisations syndicales, les CHSCT qui seraient fusionnés avec les Comités Techniques, etc …

Pour éviter toute contestation le gouvernement a même prévu dans cette loi plusieurs  dispositions qui portent gravement atteinte au droit de grève en obligeant les agents, malgré un préavis de grève en bonne et due forme, de se déclarer 48h à l’avance comme gréviste, avec l’obligation de faire une journée de grève et pas quelques heures comme avant et sans compter la possibilité de réquisitionner des agents grévistes pour assurer la continuité du service publique, comme ils disent.

Le plus dangereux, des articles de cette loi est l’article 76 qui permet à une collectivité comme le conseil régional de transférer une de ses missions à une entreprise privée et les agents titulaires qui menaient à bien leur mission de service public seront détachés automatiquement en CDI dans cette entreprise pour une durée de plusieurs années correspondant bien souvent aux mandat des élus politiques.

Concrètement comme au conseil régional, où je travaille en tant qu’agent d’entretien, malgré mes 20 ans d’ancienneté dans la fonction publique, je pourrais recevoir, du jour au lendemain, une lettre qui m’indique que ma mission d’entretien des locaux serait faite par une entreprise privée et je travaillerais donc pour cette entreprise en étant soumis à son temps de travail et à ses règles, seul mon niveau de rémunération serait garanti.

Avec cette possibilité de transférer les missions des agents publics au secteur privé, le conseil régional pourrait se débarrasser de nombreux postes de fonctionnaires titulaires comme ceux impactés par ce transfert mais aussi par ceux qui gèrent la carrière de ces agents pour  faire baisser ce que les politiques appellent les fameux « coûts de fonctionnement ».

Avec cette loi, Macron est en train de réussir là où tous les autres ont échoué, en offrant sur un plateau doré les services publics aux entreprises privées.

Et en même temps cette loi va permettre au gouvernement de mettre à mal les syndicats de la fonction publique : les militants qui avaient des mandats syndicaux dans leurs syndicats de base, voire même dans des structures comme les unions départementales, ne pourront plus mener à bien leurs mandats s’ils sont détachés en CDI dans une entreprise privée.

Le gouvernement, en s’attaquant au statut de fonctionnaire et du coup au droit syndical qui en découle, va empêcher qu’il y ait de fortes mobilisations dans les rues car il ne faut pas oublier que beaucoup d’agents et de militants de la fonction publique ont participé activement aux mobilisations contre la loi travail et les ordonnances Macron.

Devant la gravité de la situation, l’heure n’est plus aux discussions stériles, ni à des résolutions d’affichage, comme sait si bien le faire la confédération mais à l’action ! nous sommes, nous militants, le seul rempart face à cette entreprise de destruction initiée par le grand capital.

Frédéric, le 30 juin

Et voilà de la lecture pour les vacances !

Nous sommes multiples, nous ne marchons pas tous du même pas. C’est pour cela que notre journal n’est pas dogmatique.

Ce qui nous anime : l’expression de nos convictions de syndicalistes attachés aux fondamentaux issus de la Charte d’Amiens.

Notre langage n’est pas conceptuel, car nous sommes des travailleurs pétris de liberté et œuvrant pour notre propre émancipation.

Nous nous nourrissons de lectures différentes.

C’est ainsi que nous vous proposons quelques morceaux choisis qui nous ont plu et peuvent inciter  à d’autres lectures plus approfondies.

Tout d’abord, c’est un extrait d’Octave Mirbeau, journaliste au Figaro et écrivain. Il sera au côté d’Émile Zola lors de son procès après son « J’accuse ». Il participera à de nombreux meeting de dreyfusards.

Octave Mirbeau est un écrivain engagé, il est le grand démystificateur des hommes et des institutions qui aliènent, qui oppriment et qui tuent.

Une deuxième proposition de lecture, Sébastien Faure, qui participe à la fondation du journal Le Libertaire avec Louise Michel. C’est également un combattant dreyfusard. Il est fort possible que nos deux écrivains présents, se soient rencontrés au cours de ce combat ! J’aime à l’imaginer.

S’en suit un autre texte d’Éric de Montgolfier, ancien procureur de la République, jeune retraité d’une longue carrière dans la magistrature qui dénonce l’arrogance des élites dans ses écrits et ses prises de parole.

Ces lectures tournent autour du fait religieux, des extrêmes qui s’y rattachent et de l’asservissement des individus toujours accompagné de la perte de liberté.

Voilà de quoi ouvrir des horizons
et construire nos propres opinions … 

Octave MIRBEAU

La grève des électeurs  (Le Figaro 28/11/1988)

Une chose m’étonne prodigieusement – j’oserai dire qu’elle me stupéfie – c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et comprendre la raison ?

Où est-il le Balzac qui nous donnera la philosophie de l’électeur moderne ? Et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l’attendons.

Je comprends qu’un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l’Opéra comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, Monsieur Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends Monsieur Chantavoine s’obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout.

Mais qu’un député, ou un sénateur, ou un président de république, ou n’importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu’elle soit, trouve un électeur, c’est-à-dire l’être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ses prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pieds au derrière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pesssimistes que je m’étais faites jusqu’ici de la sottise humaine en général et de la sottise française en particulier, notre cher est immortel sottises, ô chauvin !

Il est bien entendu que je parle ici de l’électeur averti, convaincu, de l’électeur théoricien, de celui qui s’imagine, le pauvre diable, faire  un acte citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer – ô folie admirable et déconcertante – des programmes politiques et des  revendications sociales ; et non point de l’électeur « qui la connaît » et qui s’en moque, et celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute puissance » qu’une rigolade à la charcuterie monarchiste ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, et de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n’a cure du reste. Il sait ce qu’il fait. Mais les autres ?

Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu’ils se regardent et se disent : « je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base  de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints 36 millions d’hommes, et Beaudry d’Asson aussi, et Pierre Alype également ». Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu’ils soient, n’ont ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu’il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles caverne des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l’y oblige, sans qu’on le paye sans qu’on le soûle ?

À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on prétend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ?… Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?

Qu’est-ce qu’il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l’assomment, il faut qu’il se dise et qu’il espère quelque chose d’extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baihaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu’il voie, au travers d’un mirage, fleurir et s’épanouir dans Vergoin et dans Hubbard, des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c’est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.

Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu’un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, l’écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu’il n’a qu’une raison d’être historique, c’est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.

Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu’il est obligé de se dépouiller de l’un, et de donner l’autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.

Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t’arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d’humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l’envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n’as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.

Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C’est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l’homme à ton rêve, car là où est l’homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.

Et s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’audace cynique, à l’insulte et au mensonge.

Je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.

Sébastien FAURE

Extrait de : « L’IMPOSTURE RELIGIEUSE » 1923

Récapitulation et conclusion

L’imposture dogmatique, c’est par le dogme indiscuté, la domination de l’Église sur les esprits ; l’imposture historique, c’est par l’alliance avec l’État, synthèse de l’autorité et de la propriété, la domination sur les corps ; l’imposture sociale, c’est par la doctrine politique, économique et morale de l’église, la domination sur les consciences.

Cette triple imposture a pour fin la triple domination de l’église et pour conséquence l’asservissement total de l’humanité. Depuis un temps immémorial les masses humaines que les détenteurs de la propriété et de l’autorité réduisent à la misère et à l’esclavage, ont presque que constamment accepté le sort misérable qui leur est imposé, et la révolte qui aurait dû être permanente puisque permanents sont les méfaits de l’autorité et de la propriété, ne s’est affirmée que de loin en loin. Ce prodige ne s’explique que par l’esprit de résignation  que les religions ont inlassablement opposé à l’esprit de révolte.

Depuis des siècles, la multitude gémit sous la férule des maîtres et le travail, aux ordres de la richesse dont il est cependant l’unique créateur, est cyniquement détroussé par les privilégiés de la fortune ; et pourtant – cela tient du miracle – on trouve, dans l’immense foule de ces victimes du capital et de l’État, un nombre stupéfiant de pauvres et d’opprimés qui estiment juste et salutaire qu’ils soient opprimés et pauvres, qui ne conçoivent pas qu’on puisse se passer des riches et des gouvernants et qui, dans la bataille engagée entre les partisans et les adversaires de ce régime de brigandage capitaliste, légalisé et défendu à main armée par l’État complice ne sont pas avec leurs frères de misère et de servitude : les victimes mais avec leurs bourreaux – oui tous, et il est, hélas logique qu’il en soit ainsi –les endoctrinés du christianisme qui s’imaginent, quand on leur dit: à vous la pauvreté et l’esclavage, mais aussi le ciel ! ». Qu’on leur a fait leur part et même la plus enviable.

Voici les abominables effets, au point de vue social de cette morale chrétienne de résignation, d’humilité, de vie méprisée, d’élans naturels comprimés, de passions matées ; morale enseignée par les cafards de sacristie, docilement acceptée par les superstitieux et les ignorants, exploitée par les malins de l’église, les roublards du capital et les aigrefins de l’État. On ne saurait imaginer une éthique dont les règles seraient plus propices à la perpétuation des abominations actuelles et conséquemment, plus opposées à leur disparition. Les parias ne finiront-ils pas par ouvrir les yeux et par voir que le ciel et l’enfer sont près  deux, à la portée de leurs regards : le Ciel, c’est-à-dire le bonheur pour les uns, et l’Enfer, c’est-à-dire la souffrance pour les autres ? Ne finiront-ils pas par comprendre aussi que, quand ils le voudront, l’Enfer sera chassé de notre planète et que, par la suppression du capital et de l’État, la terre peut devenir pour tous un séjour de paix et d’abondance dans le Bien-Être et la Liberté.

L’erreur et le crime des Sociétés fondées sur la Propriété et l’Autorité, c’est de subordonner l’individu et l’organisation sociale aux exigences de l’insatiable capital et de la tyrannie gouvernementale.
L’erreur et le crime communs aux Églises et aux États  – à toutes les Églises et à tous les États  – c’est d’instituer un régime social où tout est concurrence, rivalités, convoitises, intérêts  inconciliables, haines, jalousies, ruses, duplicités, intrigues, cupidité, domination, puis de précipiter les hommes au sein de cette sanglante mêlée et de leur dire ensuite : « aimez-vous les uns les autres ! » Comme s’il était possible à ces hommes que tout dresse en bataille les uns contre les autres, de vivre en confiance, en fraternité, de s’aimer mutuellement !

L’erreur et le crime communs aux Églises et aux États –  à toutes les Églises et à tous les États – c’est de diviser l’humanité en castes, en classes, en nations, d’attribuer aux unes tout le savoir, tous les trésors, toutes les forces, toutes les supériorités et de ne laisser aux autres que l’ignorance, la pauvreté, la faiblesse et les infériorités et de leur dire ensuite, de s’inspirer de l’intérêt général, de travailler ensemble au bien commun, de tout sacrifier à la cause sacrée de la Vérité, de la Justice et de l’Humanité ; comme s’il était possible qu’il y eût un intérêt général, un bien commun et que cette opposition des castes, des classes et des nations pût constituer une humanité unie et fraternelle ! comme s’il était possible que les castes, classes et nations privilégiées ne fissent point d’abus de leur savoir, de leur trésors, de leurs forces et de leur supériorité pour écraser les castes, classes et nations déshérités !

L’erreur et le crime commun aux Églises et aux États – à toutes les Églises et à tous les États – c’est de rendre antinaturelle, antihumaine et par conséquent impossible, l’observation des règles des lois qu’ils édictent, afin d’ être conduits à en réprimer l’infraction et de justifier de la sorte l’armature de force et le système de terreur et de violences organisées qu’ils appellent justice, police, armée et dont le but véritable et de sauvegarder leur domination par les l’étouffement, dans le sang de toute tentative de révolte.

L’erreur est le crime commun aux États et aux Églises – à tous les États et à toutes les Églises – c’est d’adjoindre au  gendarme extérieur ce gendarme intérieur que la morale religieuse associée au respect de l’autorité de l’Autorité et de la Propriété, introduit dans la conscience privée : gendarmes spirituel, qui à la mission de prévenir la révolte par l’abdication de la pensée, la mutilation de la nature, la compression de la chair et l’esprit de résignation, tendit que son compère, le gendarme extérieur, massacreur profs professionnel, est chargé de réprimer la révolte éclate.

L’église et l’État ont partie liée, ils forment une vaste association de malfaiteurs, ils sont unis dans le crime et l’imposture. Le projet de les séparer est vain; celui de les opposer l’un à l’autre est chimérique ; ils ont besoin l’un de l’autre pour rompre le pacte qui secrètement ou ouvertement, les lie ; ils ont trop d’intérêt commun pour se combattre. Associés et complices ils sont ; et ils resteront complices et associés aussi longtemps qu’ils existeront. Un monceau de cadavres les unit pour toujours. Ensemble ils vivent ils crèveront ensemble.

Leur mot d’ordre, contre le prolétariat, c’est « misère et servitude » le mot d’ordre prolétariat contre eux, c’est : « bien-être et liberté ! »

La vie est si triste elle, est semée de tant de traquenards et d’embûches, elle érige sur la route de presque tous de tels obstacles et difficultés, elle abonde tellement en déception et amertume, elle comporte tant de dureté et fait choir à tant de bassesse, elle est faite de souffrance si fréquentes et de joie si rare que, pour atténuer les turpitudes et les douleurs du présent et s’y résigner, une multitude d’hommes et de femmes se réfugient dans l’évocation des félicités compensatoires dont les religions leurs apportent l’artificieuse promesse.

Éclairé par l’expérience et le raisonnement, bon nombre de ces gens ont cessé de croire aux balivernes de la religion, de fréquenter des églises et même de se croire tenu à élever leurs enfants chrétiennement ; toutefois, ataviquement mystique et sous l’indélébile influence de leur prime éducation, leur tempérament s’oppose à ce qu’ils vivent sans Idéal.

Comme je les comprends ! Mais pourquoi s’accrochent-ils, ces innocents, l’Idéal menteur et irréalisable du christianisme, alors que s’offre à eux un Idéal vrai et réalisable ? Pourquoi attendent-t-il d’un dieu inexistant et impossible le triomphe de la Justice, de la Vérité, de la Beauté et de l’Amour, alors que L’Humanité est, seule en mesure de transformer ces magnifiques aspirations en fécondes réalités ? Pourquoi sacrifient-ils lâchement imbécilement la certitude de leur existence sur la terre à la stupide conjecture de la vie éternelle ? Pourquoi contribuent, par leur inconscience coupable, à accroître l’autorité de l’Église et à servir ses projets de domination, puisqu’ils aspirent à vivre en être libres, heureux et fraternels ? Pourquoi travaillent-t-ils pour le Ciel  alors que tout est à faire sur la terre?

N’aurait-il de force à dépenser, d’efforts à accomplir, batailles à livrer, d’héroïsmes à prodiguer que pour l’Imposture, alors que pour terrasser le mensonge, la Vérité a besoin du concours résolu, persévérant et passionné de tous les êtres de bonne volonté ?

L’Humanité du vingtième siècle en est à l’heure où il devient urgent qu’elle choisisse entre l’Idéal décevant et criminel de toutes les Autorités et de toutes les Religions : « pauvreté et soumission » et l’Idéal commun à tous les êtres véritablement épris de Justice et de Fraternité : « Bien-Être et Liberté !»

C’est cet Idéal sublime qu’un certain nombre d’hommes et de femmes ont adopté, et qu’il propagent avec toute la lucidité de la raison, avec toutes les ressources de leur savoir, avec toutes les ardeurs de leur sensibilité, avec toute la fermeté de leur volonté, avec toute la noblesse de leur conscience.

Ses apôtres de l’Évangile qui rénovera le monde s’exposent volontairement à la calomnie, à l’injure, à la persécution. Ils savent que ce qui les attend ; mais leurs convictions sont tellement inébranlables, que rien ne les découragera.

Éric de MONTGOLFIER

On ne peut éternellement se contenter de regarder les cadavres passer sous les ponts

Extrait

« Ce n’est pas certes le monde naissant qui me fait peur, mais quelquefois le visage de ceux qui l’accouchent» Jean Rostand

Il est bon de rêver. N’est-ce pas ce que notre peuple fait depuis si longtemps, jouant au poker avec la démocratie? Avec ses rois au moins la partie été franche : les cartes dont disposait le monarque étaient toutes maîtresses ; pourtant la nation, dont l’identité s’était progressivement forgée dans son ombre, ne paraissait pas s’émouvoir qu’il en use à sa guise. En échange de sa protection, le pouvoir de gouverner lui avait été remis et seul commandait son bon plaisir. Ainsi pouvait-il épuiser les ressources du pays, partageant avec ses courtisans pour se les attacher et consolider son autorité. N’ayant aucun compte à rendre, le protecteur pressurait librement son peuple : rien qui puisse le dissuader de flatter son tyran ; peut-être était-il sensible au faste dont, à leurs dépens, il décorait son joug ! Pire, atteints du syndrome de Stockholm, les sujets couvraient ce maître de dithyrambes : le prudent, le grand, le bien-aimé… quand d’autres eussent été plus pertinents : le fourbe, le belliqueux, le pervers… Ainsi vont les peuples qui révèrent leurs bourreaux avant de s’en séparer.

Associés à l’Église catholique qui s’employait à persuader ses ouailles de l’essence divine du pouvoir, les rois étaient réputés le tenir d’un dieu, ce qui leur assurait l’inviolabilité.  Longtemps hébétés, leurs sujets avaient fini par accepter que le monarque ne pouvait mal faire, le laissant décider de tout à leur place. De beaux esprits s’ingénièrent à leur apporter la lumière ; ils frémirent sans pour autant se rebeller vraiment ; il fallut une révolution. Après des siècles d’arbitraire, la violence s’empara de la nation ; comme cela se produit quand on a longtemps subi l’injustice sans protester, la haine s’en mêla, emportant la tyrannie dans des flots de sang ; ne doutant pas d’en avoir extirpé les racines, les sujets ce crurent des citoyens. Encore aurait-il fallu que le pouvoir ait changé d’âme et point seulement de mains. Sous prétexte d’éradiquer les tentatives de retour à l’ancien régime, les plus farouches révolutionnaires firent bientôt subir à leurs rivaux un sort identique à celui du monarque déchu ; il ne s’agissait que de confisquer le pouvoir et l’espérance tourna à la farce ; les avantages présentaient plus d’intérêt que les principes ! Tant de violences et de déceptions avaient lassé le peuple ; il s’assoupit, rêvant encore de République.

*****

Comme le disait Alexandre Hébert en souriant avec le doigt levé : «Et oui, mes camarades, les faits sont têtus.., » ainsi la dénonciation des impostures traverse les temps, signe que la lutte finale continue. Et il faut imaginer Sisyphe heureux.

Et pour poursuivre ces lectures …

Nous avons une mine d’or où puiser de la connaissance, celle d’ « Anti-mythes » sur le net : https://antimythes.fr

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